mardi 21 mai 2013

Le Sénégal, première étape de la tournée d'Obama

Le président des Etats-Unis d'Amérique Barack Obama entame à partir du 26 juin une tournée africaine qui va démarrer Sénégal, a annoncé la Maison Blanche lundi dans un communiqué. Pour sa grande première tournée africaine depuis 2008, Barack Obama se rendra, en compagnie de son épouse, successivement au Sénégal, en Afrique du Sud et en Tanzanie.
Selon la Maison Blanche, ''le président insistera sur l'importance que les États-Unis accordent à nos liens en plein développement avec les pays d'Afrique subsaharienne''.
  La même source évoque également la nécessité ''d'étendre la croissance économique, l'investissement et le commerce, de renforcer les institutions démocratiques, et d'investir dans une nouvelle génération de dirigeants africains''.
  Dans un communiqué publié mardi par son porte-parole, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall s’est réjoui de l’annonce de cette visite, après celle qu’il a effectuée le 28 mars 2013 à Washington.
‘’Le Sénégal et les Etats-Unis d’Amérique entretiennent une solide relation d’amitié et de coopération, fondée sur des valeurs partagées de paix, de démocratie et de respect des droits de l’Homme’’, mentionne la même source.
  Elle ajoute : ‘’Cette visite du Président OBama traduit la volonté commune des deux chefs d’Etat d’œuvrer ensemble au renforcement de ces relations privilégiées, dans un esprit de partenariat confiant et solidaire’’.
Barack Obama s'était rendu en 2009 au Ghana où il avait prononcé des messages dont certains termes étaient restés célèbres. "L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts mais d'institutions fortes", avait-il ainsi déclaré. "L'avenir de l'Afrique appartient aux Africains", avait également indiqué le président américain.
  Le 1er août 2012, l'ex-secrétaire d’'Etat américaine Hillary Clinton, en visite au Sénégal, avait rendu un hommage à la démocratie sénégalaise et aux acteurs de sa consolidation que sont, à son avis, les femmes et les jeunes, avant de rappeler les liens existant entre démocratie et développement.
  Hillary Clinton avait fait le lien entre démocratie et développement, avant de rappeler, dans un discours prononcé à l'université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, les quatre piliers de la stratégie de la diplomatie américaine au Sénégal et en Afrique : "Renforcer les institutions démocratiques, stimuler la croissance, faire avancer la paix et la sécurité, promouvoir les possibilités et le développement".

dakaractu.com

Sénégal : retour sur la mort d'Omar Blondin Diop, le Normalien subversif qui défiait Senghor

Par Mehdi Ba, à Dakar
Intellectuel brillant sorti de Normale sup’, le Sénégalais Omar Blondin Diop fut une figure emblématique du mouvement contestataire post-soixante-huitard qui défia le président Léopold Sédar Senghor. Quarante ans après sa disparition controversée dans une prison sénégalaise, sa famille vient de lui rendre hommage à Dakar et entend faire rouvrir l'enquête sur les circonstances de son décès.
Quatre décennies après sa mort tragique dans des circonstances jamais élucidées, sa photo trône aujourd'hui dans la salle du musée historique de l'île de Gorée, qui fut à l'époque, lorsque le Fort d'Estrées servait de prison civile pour les détenus récalcitrants, sa cellule mortuaire. Omar Blondin Diop avait 26 ans lorsque l'administration pénitentiaire sénégalaise annonça son suicide par pendaison dans la nuit du 10 au 11 mai 1973.
Le parcours de ce jeune Normalien subversif promis à un brillant avenir éclaire un pan méconnu de l'histoire sénégalaise post-indépendance. Au lendemain de l'ébullition soixante-huitarde, qui lui avait fait côtoyer Daniel Cohn-Bendit à Nanterre, Omar Blondin Diop joua une part active dans les années de braise qui allaient voir de jeunes intellectuels sénégalais idéalistes, pétris d'influences panafricanistes et maoïstes, affronter – en recourant parfois à l'action violente – le régime francophile du président-poète Léopold Sédar Senghor.
Porte-parole de la famille, le Dr Dialo Diop, médecin biologiste aujourd'hui âgé de 62 ans, a partagé la cause de son frère aîné, subissant comme lui l'incarcération et la torture. Il revient sur le parcours tumultueux de cet « esprit libre » dont la mort prématurée entraînera la libération de tous les prisonniers politiques alors détenus au Sénégal.
Pourquoi avoir attendu le quarantième anniversaire de la mort de votre frère aîné pour lui rendre cet hommage ?
Dr Dialo Diop : La Charte du Mandé, qui date du XIIIe siècle, affirme que « les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités ». Le mensonge d'État portant sur la mort tragique de notre frère Omar ne pouvait devenir une vérité définitive, d'où ce devoir de soulever la question avant l'échéance fatidique. Cela s'est fait dans le cadre d'un forum de témoignages qui s'est tenu sur le campus de l'Université Cheikh Anta Diop (Ucad), à Dakar, à la veille de la date anniversaire de sa mort. Le lendemain, une plaque commémorative a été inaugurée dans son ancienne cellule, sur l'île de Gorée.
De quel mensonge parlez-vous ?
Celui qui a consisté à faire passer les violences physique qu'il a subies pour un suicide. C'est cela que nous qualifions de mensonge d'État. Placé au quartier disciplinaire, Omar avait droit à une promenade quotidienne de quinze minutes. Ce jour-là, le gardien lui a demandé de rentrer avant la fin de ce quart d'heure, ce qu'il a refusé. Trois « matons » lui sont tombés dessus et un coup de matraque l'a touché à la région bulbaire. La main courante rédigée ce jour-là par l'infirmier, chef de poste de l'île de Gorée, préconisait l'évacuation immédiate d'Omar vers le pavillon spécial de l'hôpital Le Dantec. Mais les personnels pénitentiaires ont paniqué et organisé la mise en scène de sa pendaison avec un drap. La version officielle prétend qu'il était drogué et que son sevrage forcé l'a amené à mettre fin à ses jours dans sa cellule.
Qu'est-ce qui lui était reproché ?
La condamnation d'Omar est liée à la mienne. Le 15 janvier 1971, avec plusieurs camarades, nous avions incendié le Centre culturel français de Dakar et le ministère des Travaux publics. Nous protestions contre les travaux d'aménagement de la capitale en prévision de ce que nous appelions « la tournée du suzerain Pompidou auprès de ses vassaux africains ». Le 3 février, jour de l'arrivée du président français, nous avons par ailleurs tenté de lancer des cocktails Molotov sur le cortège officiel. Nous appartenions à un groupe anti-hiérarchique et antiautoritaire qui se réclamait à la fois des Black Panthers et des Tupamaros uruguayens. Nous étions complètement immatures politiquement : j'avais 19 ans et le plus âgé du groupe en avait 25. Nous en avons payé le prix. J'ai été condamné aux travaux forcés à perpétuité. En prison, j'ai été torturé à l'électricité sur les instructions d'un assistant technique français de la police, ancien d'Algérie.
En quoi cette condamnation fut-elle à l'origine de celle d'Omar ?
Scandalisés par la disproportion du verdict, lui et ses camarades ont tenté d'organiser notre évasion. Depuis le Mali, ils ont pris contact avec moi, mais je les en ai dissuadés. C'était un risque inutile, la prison étant une passoire. Je leur ai donc suggéré de m'envoyer de l'argent pour l'opération et de nous attendre en Guinée. Mais à la veille d'une visite officielle de Léopold Sédar Senghor, le régime malien a procédé à l'arrestation de tous les réfugiés politiques sénégalais en exil à Bamako. Dans la poche d'Omar, ils ont trouvé ma lettre, ce qui lui a été fatal. Lui et ses camarades ont été extradés vers le Sénégal. Condamné à 3 ans de prison en mars 1972, Omar a pris ma place à Gorée ; quant à moi, j'ai été déporté à Kedougou, où étaient déjà détenus l'ancien premier ministre Mamadou Dia et son ministre Valdiodio Ndiaye.
Quels fondements idéologiques vous ont fait opter pour l'action violente face au président Senghor ?
Ceux du panafricanisme. Nous étions au début des années 1970 et une bonne partie du continent était toujours sous la botte du colonialisme direct ou de régimes fantoches liés à l'ancienne métropole. Or, de la Guinée Bissau à l'Angola en passant par le Mozambique, le gouvernement sénégalais soutenait la tutelle coloniale au détriment des mouvements de libération. Avec d'autres régimes du pré-carré français, le Sénégal a soutenu le renversement de Modibo Keïta au Mali, l'isolement de Sekou Touré en Guinée, l'assassinat d'Olympio au Togo, la guerre contre l'UPC au Cameroun, tout en prônant le dialogue avec le régime sud-africain ou en s'opposant aux sanctions contre la Rhodésie.
Les circonstances de sa mort ont-elles fait l'objet d'une plainte à l'époque ?
Mon père a porté plainte pour homicide auprès du doyen des juges d'instruction. Le magistrat a pu consulter la main courante faisant état de la demande d'évacuation d'Omar et il a inculpé trois policiers. Dans la semaine qui a suivi, il a été relevé de ses fonctions et son remplaçant s'est empressé de rendre un non-lieu général. Finalement, c'est notre père qui sera la seule personne condamnée dans cette affaire, pour propagation de fausses nouvelles.
Nous venons de saisir la justice sénégalaise d'une demande de réouverture du dossier pour faits nouveaux. Le combat que nous menons est un combat de principe contre l'impunité, qui est une incitation à la récidive. Il est de notre devoir de faire la lumière sur ce drame. Nous le devons à nos parents aujourd'hui disparus et à la mémoire de notre frère.
________
Propos recueillis à Dakar par Mehdi Ba
Jeuneafrique.com