(Sud Quotidien 16/05/2012)
S’il a pu permettre de réduire les délestages, le plan «
TAKKAL » qui était censé sortir de la crise le sous-secteur de l’électricité
s’est enlisé. Des sept axes qui en composent les actions, seul le premier est
réalisé (pour combien de temps) et les perspectives laissent planer de grosses
préoccupations sur la situation du sous-secteur de l’électricité. Pendant ce
temps, force est de constater que le nouveau régime ne dispose d’aucun schéma
pour changer la donne.
Quand le ministre de l’Energie, lui-même, parle
d’"incertitudes sérieuses" qui planent encore sur le sous-secteur de
l’électricité, relativement à son financement, c’est que la situation est non
pas désespérée, mais très préoccupante. Le plan dénommé « TAKKAL » qui était
censé sortir le sous-secteur de l’électricité, de la crise, s’est plutôt enlisé.
S’il a pu permettre de réduire les sempiternels délestages, la question c’est :
pour combien de temps et à quel prix ?
Un Comité de Restructuration et de
Relance du Secteur de l’Energie(Crrse) avait pourtant, par arrêté n° 09181 du 13
octobre 2010, été mis en place le 03 novembre 2010, sous le magistère de Karim
Wade, alors ministre, entre autres, des hauts fourneaux de l’Energie. Structure
« indépendante » composée de personnalités issues de différents secteurs, ledit
comité était chargé de la définition du plan de relance et de restructuration du
secteur, mais aussi du suivi de sa mise en œuvre. Mais depuis son premier
rapport remis en début 2011 et qui donnait des propositions d’actions d’urgence,
aucun rapport d’étape n’est à ce jour répertorié de la part du comité. Aussi, si
la lumière a, depuis, jailli des ténèbres électriques au prix d’un coût
financier qui a fini de racler les fonds des caisses de l’Etat, la situation de
l’entreprise Senelec par contre est toujours dans le noir ; l’équilibre entre
l’offre et la demande reste précaire ; et les investissements destinés à prendre
le relais des capacités de production louées accusent un retard qui fait
craindre le pire.
Vœux pieux
En 2009, sur 109 GWh d’énergie non
fournie suite à des délestages par manque de production, un total de 69 GWh
était imputable au manque de combustible. La question de l’approvisionnement en
combustibles a été ainsi inscrite en priorité comme premier axe d’intervention
dans le cadre de la relance du secteur. Aussi, les nouvelles autorités en charge
constatent-elles aujourd’hui « un approvisionnement régulier et suffisant » du
parc de production de SENELEC et une résorption momentanée du déficit de
production d’électricité et partant une réduction des délestages… par manque de
combustible car, dans certaines zones de la capitale et du pays, les délestages
sont encore une réalité.
Cependant, cette « sécurisation » de
l’approvisionnement en combustibles devait se faire « dans les meilleures
conditions économiques ». Or, meilleures conditions économiques riment avec
allègement des charges de combustibles dans le compte d’exploitation de Senelec.
L’importance de ces charges de combustibles « explose » le compte d’exploitation
de l’entreprise et il était question d’exonérer de la contribution au FSIPP
(Fonds de Sécurisation des Importations de Produits pétroliers), les produits
pétroliers destinés à la production d’électricité. Rien aujourd’hui ne permet de
dire que cela a été fait.
Le Fsipp, rappelons-le, est destiné à
accompagner le système des prix plafonds en vue d’assurer un approvisionnement
correct et régulier du marché sénégalais en hydrocarbures raffinés sans
incidences négatives sur, d’une part, la Trésorerie de l’Etat et d’autre part,
celle des entreprises importatrices. Ce qui n’est pas le cas pour Senelec dont
les surcoûts apportés sur les produits destinés à sa production ont contribué à
renchérir ses charges. Pour la petite histoire, en 2007, ce fonds avait permis
de collecter 25,8 milliards contre 3,4 milliards de FCfa en 2006, l’année où il
a été institué. Aussi, une exonération des produits pétroliers destinés à la
production d’électricité de la contribution au FSIPP pourrait engendrer une
économie de 13 milliards de francs CFA par an. De même, un accès de Senelec au
Distillat TAG (aujourd’hui presque à l’arrêt) en remplacement du gasoil (produit
identique), à l’instar de GTI, entraînerait pour Senelec une économie
supplémentaire de 9 milliards, portant ainsi le total d’économie à réaliser à 22
milliards de FCfa par an. Là aussi, rien ne permet de dire que ces économies ont
été réalisées, encore moins le retour de la TAG 2 (Turbine à gaz n°2) et la
reconversion de GTI au gaz qui, au demeurant, nécessite un plan de sécurisation
gaz à court terme.
50 milliards de coût par an
En deuxième axe, un
processus de location (auprès de l’américain APR Energy) d’une capacité
additionnelle de production a été entamé. Or, ce processus devait intégrer des
options qui minimisent la durée de la location d’unités fonctionnant au diesel
oil (à 126 FCfa/kwh), en vue d’un passage rapide à des équipements utilisant le
fuel lourd (à 68 FCfa le Kwh ) comme combustible jugé moins chère, au demeurant.
L’un dans l’autre, les deux actions (réhabilitation-location) devraient tenir
compte, en termes de dimensionnement et de coût, de l’impératif d’accélération
de l’arrivée du charbon. Non seulement la location perdure au-delà du
raisonnable avec des coûts exorbitants du fait notamment d’un cours du baril au
plus haut, mais le charbon s’avère… plus dure à cuire avec une centrale dont on
n’est pas près de voir la cheminée. Il se trouve que chaque année de retard pour
la mise en place de la centrale à charbon qui devait être mise en cohérence avec
la location, coûterait la bagatelle de 50 milliards de nos
francs.
L’urgence est relative à l’obsolescence actuelle d’une partie du
parc d’ailleurs relevée récemment par les nouvelles autorités en charge, liée
non seulement au déficit projeté de 200 MW, mais aussi à une demande latente
actuelle de 150 MW ainsi qu’à à une croissance de cette demande de 8 % (l’un des
taux les plus élevés d’Afrique) par an. Sous ce rapport, le Crrse s’était
d’ailleurs fondé sur les estimations du Cabinet McKinsey pour noter que l’année
2013 pourrait être « l’année de tous les dangers ». Mais cela pourrait bien être
2012 déjà, avec l’hivernage qui s’annonce et qui va grossir de danger la
problématique de la demande liée à l’offre, qui constitue l’axe 3 du
Takkal.
Autant dire que les axes sur lesquels repose le plan TAKKAL :
Construction de capacités de production permanentes pour l'accélération de la
sortie de crise ; Restructuration financière ; Qualité de service à la clientèle
et accès à l’électricité ; Gouvernance et management du plan d’urgence, ne sont
toujours pas une réalité, loin s’en faut. Surtout si l’on considère que la
restructuration financière de Senelec passera par la résolution des facteurs
structurels de dégradation de la situation financière de SENELEC notamment : la
régulation des tarifs et en particulier la nécessité d’une révision intérimaire
suite au retard du charbon ; la surcharge que représente le FSIPP sur les
factures de combustibles, le problème du différentiel de TVA qui se traduit par
la hausse continue de la rubrique « autres créances » passée de 49 milliards de
FCfa en 2007 à 110 milliards en 2009 (TVA récupérable, frais de douane à
récupérer ; exonération des deux premières tranches en basse tension et
compensation des revenus en hors TVA). Doit-on s’attendre à une hausse des
tarifs de l’électricité ? D’autant plus que le bilan dressé alors par la
Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (CRSE) sur la dernière
période tarifaire 2005-2009, parle de l’incidence sur les revenus de Senelec de
la non-atteinte des objectifs de disponibilité des centrales et de rendement de
l’exploitation qui se chiffrerait à 100 milliards de FCfa.
Au passage, le
TAKKAL qui aura coûté à nos pauvres finances la faramineuse somme de 650
milliards de FCfa, pour pas grand-chose, aura royalement mis de côté une réforme
institutionnelle qui, dans son principe, établissait le dégroupage en trois
entités (Distribution, production, transport) de l’entreprise qui deviendrait
une holding, avec l’objectif d’une meilleure efficience de la gestion. Or, le
gouvernement de Macky est venu sans aucun schéma de substitution et le ministre
de l’Energie, Aly Ngouille Ndiaye le confirme bien en parlant d’"incertitudes
sérieuses" qui planent encore sur le sous-secteur de l’électricité.
par
Malick NDAW
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