(Nettali 29/04/2013)
Plus d’un an après l’accession de Macky Sall à la tête de la
magistrature suprême, les critiques ne fusent pas seulement contre celui que les
sénégalais ont porté à la tête de la magistrature suprême, un certain 25 mars
2012. Des attaques ciblées contre la première Dame Marième Faye Sall à qui l’on
reproche de placer dans des postes stratégiques de l’État ses parents et
proches.
EnQuête a essayé d’en savoir plus, pour faire le point entre
la réalité et le construit dans ces critiques contre une femme qui dérange
certains cercles politiques. Une immersion dans la vie de Marième Faye Sall,
surtout durant la période de la traversée de désert, explique bien sa position
stratégique, enviée, mais bien inconfortable...
C’ est un de ses proches
qui tient ces propos surannés : “N’importe où au Sénégal, dans le coin le plus
reculé, quand on nomme un sous-préfet, s’il a pour nom de famille Faye, la
vindicte populaire ne se demandera pas s’il est un cadre méritant et s’il est
compétent. Son nom de famille suffira pour le faire condamner. On dira que c’est
le frère de la Première Dame. J’en ai déjà compté une centaine et la liste
s’allonge tous les jours. A ce rythme, ils ont bien raison de parler de
dynastie. Il y a sans doute des malhonnêtes qui seraient heureux de compter
parmi “les frères” de la première Dame.”
La remarque, pour fâcheuse
qu’elle soit, rend compte de l’irritation sur la peau de ses proches que
causent, désormais, les commentaires qui portent sur Marème Faye, l’épouse du
président Macky Sall. La jeune Marie Thérèse Faye est nommée à la tête de La
Case des toutpetits, les « revueurs » de presse s’emballent au petit matin,
soulignant que la première Dame est à la base de cette promotion de sa soeur
cadette.
Tamsir Faye, un responsable des jeunes de l’Apr de Paris devient
Consul à Marseille après une bonne année d’attente, les compteurs se mettent
encore en marche, pour dénombrer et dénoncer le fait que l’épouse de Macky Sall
ne se gêne pas à caser “son frère”. Quand les proches du président de la
République s’en indignent et s’en plaignent, les “revueurs” de presse, qui
agrémentent leurs lectures de vertes petites tirades pimentées, ont déjà porté
la nouvelle jusqu’au coin le plus reculé du pays, suscitant les indignations et
les hoquets de leurs auditeurs qui s’épouvantent quand ils ont l’oreille collée
au transistor pour écouter leur star les nourrir de ses nouvelles
matinales.
Le dernier en date est un autre “frère”, Mahwa Faye, nommé au
Conseil économique, social et environnemental, en même temps que M. Amadou
“Thimbo”, le nom qu’il ne faudrait plus porter, quand on ne veut pas se faire
accuser de “parent” du président Macky Sall. Le premier n’a aucun lien de
parenté avec la première dame, le second n’est parent du président que de nom.
Ce que les détracteurs de la première dame aiment le plus à souligner pour
s’indigner goulument et allonger leur liste des “membres de la
dynastie”.
Les Timbo ont beau faire les démentis nécessaires, assurer
qu’il ne s’agit que d’une ressemblance de nom, il en restera toujours un brin de
vérité pour alimenter les ragots du lendemain. Le nouveau conseiller économique
de Kaolack “frère” médiatique de la première Dame s’en plaindra et dira même
qu’il est le père d’un journaliste bien connu. Il n’arrivera jamais à réveiller
le brin de regret qu’il attend des “amis” de son fils.
C’est trop beau
pour que telle histoire puisse être fausse. Si ce n’est pas un frère, c’est
peut-être un cousin, susurrent-ils, confiants. La vérité est qu’aucune de ces
personnes citées n’a le moindre lien de parenté avec Marème Faye ou Macky Sall.
Thimbo n’est pas l’oncle de Macky Sall, comme Sara Sall, présent sur la liste,
n’est pas son frère. Mais un homme est-il nommé Pca le lendemain qu’il se voit
rappeler par les historiens en paille qu’il a été “tailleur” de Marème Faye
?
Son militantisme dans l’Apr, ses faits d’armes, sa fidélité à son parti
parti, il se les fait ranger dans les pelotes et les bobines de sa machine à
coudre. La première Dame fait mine de ne pas s’en faire, mais son dédain ne fait
que nourrir la conviction des commentateurs, assurés que s’il n’y a pas de
démenti, ce n’est point par mépris, mais que “quelque chose doit être vrai, dans
tout cela”.
Combattante de l’Apr
Les critiques fusent, mais il y a
une période, difficile celle-là, de souffrances et de privations, pendant
laquelle cette femme, au teint d’ébène, à la fois affable et distante que Macky
Sall a rencontrée à Diourbel alors qu’il rendait visite à son ami Mamadou Talla,
aurait bien souhaité compter autant d’amis et de parents. Ils ont commencé à la
fréquenter quand le mari, cadre-opposant devenu ministre, puis Premier ministre,
pouvait aider à ouvrir quelques portes fermées.
Les “parents” ont
commencé à redevenir rares quand Macky Sall est redevenu infréquentable, bouté
dehors par Wade. C’est pourtant à ce moment que Marème Faye fait preuve d’une
loyauté et d’une abnégation qui suscite l’admiration de son époux. Elle
l’épaule, l’aide à franchir le cap difficile.
C’est elle qui refuse toute
rencontre avec les Wade. Quand Macky Sall doit aller rencontrer le président
Abdoulaye Wade qui lui réclamait sa démission, c’est elle qui va faire des
exercices avec le mari, en présence de quelques fidèles médusés. “Elle lui
disait bon, je suis le président Wade. Tu réponds, si je te dis Macky, je veux
que tu démissionnes, quelle va être ta réponse ?” Le mari répondait
laborieusement, jusqu’à la satisfaction générale. “Tu vas te battre comme tout
le monde, ceux qui sont en train de se battre ne sont pas plus dignes que toi.
Dieu est grand. Tu ne peux pas t’être battu pour le faire élire et qu’après, tu
sois sacrifié pour son fils”, lui dit-elle quand l’idée vient à certains membres
du cercle de renouer avec le “père” Wade.
Ce dernier finira par les punir
sévèrement en leur retirant le passeport diplomatique. “A chaque fois qu’ils
voyageaient, Marème Faye tenait ses bagages dans ses mains, pour lui éviter la
honte, en lui disant : je ne te laisserai jamais déshonoré par ces gens”,
témoigne un témoin de la traversée de désert. C’est à ce momentlà que les liens
se renforcent, dans une relation qui n’a pas toujours été sans heurts. Marième
Faye a dû se bagarrer rageusement pour garder son mari, contre l’avis d’une
partie de sa belle-famille qui voyait mal qu’un toucouleur n’épousât pas une
autre toucouleur comme lui, mais une sérère.
“C’est en ce temps qu’elle
forge sa personnalité, sa force et surtout sa foi qu’elle porte encore en elle.
Et pourtant, elle venait d’une famille très aisée, comparée à celle du président
de la République. Mais le problème ethnique était là, qui deviendra pourtant le
grand avantage de Macky Sall, celui de sa double appartenance. S’il avait épousé
une toucouleur comme lui, ceux qui l’ont accusé d’être ethniciste auraient sans
doute eu du grain à moudre”
Ces questions aujourd’hui dépassées, le
président de la République a toujours compris le parti qu’il pouvait tirer d’une
femme aussi loyale, celle qui l’a accompagné pendant tout son parcours. Une
rareté en politique, où le divorce et le remariage sont la règle. Macky Sall
s’est toujours appuyé sur son épouse et a toujours compté sur son instinct.
Alors que son fort est surtout dans la mise en réseau. “Sans elle, le parti
aurait sans doute explosé, parce qu’elle trouvait toujours de renouer les liens
défaits entre son parti et certains de ses grands souteneurs et amis”, se
souvient un ancien cadre entré en disgrâce. C’est sans doute ce qui lui est
resté de son métier et de son parcours académique.
Beaucoup de gens
voient son aspect négligé, alors qu’elle est bien structurée dans la
tête.
Les amis de la famille vont même jusqu’à assurer que le palais
pourrait bien se passer d’un électricien, tellement cette femme est compétente
dans le domaine. Elle aurait terminé ingénieur, comme son mari, si le mariage ne
représentait pas pour elle un impératif religieux bien plus
important.
“On reproche à cette dame d’arrêter ce qu’elle a toujours fait
pour faire d’un jeune cadre un président de la République. C’est elle qui l’a
soutenu, pendant les moments difficiles, pendant la traversée du désert, parfois
seuls. Il est arrivé que le moral tombe au plus bas, face aux épreuves, comme
cette soirée pendant laquelle Macky Sall a été convoqué par la police. C’est
elle qui allait dans les mosquées, demandait des prières pour son mari”, assure
un jeune militant, “fils” de la famille. Marème Faye a été de tous les combats.
Le 23 juin 2011, jour décisif, elle était en teeshirt, distribuant de l’eau et
de la nourriture aux manifestants. Quand, pendant la campagne électorale, le
président de la République est en panne d’argent, au point de rentrer à Dakar,
c’est elle qui vend ses bijoux en or, les derniers bijoux qui lui restaient,
pour tenir son mari dans la course à la présidentielle.
Le réseau
d’amis
De tels sacrifices lui donnent une légitimité que peu de gens ont
pu avoir dans l’Apr. “Tous, je dis bien tous, sont partis un jour, et sont
revenus. Tous ont douté. Il n’y a qu’elle qui ne soit jamais partie. Elle
n’avait pas le choix, elle était obligée d’épouser le destin de son mari. Elle
nous avait dit : bon, s’il y a de mauvaises nouvelles, venez me dire. Quand il y
en a de bonnes, dites à mon mari. C’est ainsi qu’elle a gardé le moral de son
époux, pour l’épargner le doute qui ravageait les autres”.
Elle a acquis
une telle place que l’analyste politique Souleymane Jules Diop a souligné, un
jour, que “les Sénégalais, en élisant Macky Sall, élisent aussi son épouse, qui
a autant contribué que lui dans son parcours politique. Comme les Américains, en
élisant Barack Obama, ont aussi élu son épouse Michelle. Les grandes réussites
des grands hommes politiques sont les réussites de leurs épouses, des Kennedy à
Obama, en passant par les Clinton. Elles se sentent de ce fait une légitimité”.
Une sortie suffisante pour susciter la polémique.
La première Dame
abuse-t-elle de cette position privilégiée acquise par son combat militant ?
A-t-elle, comme on le prétend, placé sa famille dans l’appareil d’Etat ? Peu
probable, si l’on en croit les personnes désignées du doigt. Il est vrai que son
beau-père Homère Seck a été nommé Pca, nomination qui, à l’évidence, dérange.
Mais les défenseurs de la première Dame assurent que cette nomination est bien
justifiable : “Homère avait été nommé par Wade, mais il avait été nommé Pca dans
le quota de la Cdp d’Iba Der Thiam, où il était un grand responsable. Quand
Macky Sall est tombé, Wade l’a limogé lui aussi. Il a adhéré à l’Apr où il a
fondé le mouvement des personnes du troisième âge et est devenu responsable à
Rufisque.
Il est bien normal qu’il retrouve au moins son poste de Pca
d’avant. C’est son parcours qui le lui a donné, rien d’autre.” Ils citent le cas
de Mansour Faye, autre frère promu à la Solidarité nationale. Sa nomination et
sa position actuelle se justifient par son histoire personnelle, liée à la
naissance de l’Apr. “Quand l’Apr a été créée, Macky Sall était peu fréquentable.
Ce sont les parents de Marème Faye et quelques rares amis du président Sall qui
se sont mis au premier plan pour implanter le parti dans l’ensemble du
pays.
Mansour a vendu sa maison et ses deux terrains. Il a donné une
partie de l’argent comme contribution à la campagne. Il est parmi les 33
personnes qui ont signé la déclaration de création de l’Apr. Aucun des ministres
actuels n’était sur cette liste. A ce jour, il est le seul frère de Marème Faye
qui a été nommé et il n’est même pas ministre”, soulignent des proches de la
famille.
Ces vérités martelées n’empêchent pas la clameur d’enfler contre
une dame qui n’est sans doute pas sans quelques défauts. C’est une passionnée
qui aime marquer son territoire et défendre ses idées. Un peu trop, diraient
certains, au point d’irriter. Elle peut se montrer irritante, parfois agaçante,
quand elle veut défendre une conviction, asséner ses vérités quand elle en a et
défendre âprement les intérêts de ses amis et combattre ses adversaires. Elle
serait aussi très jalouse...
Mais loin de l’image que l’on veut donner
d’elle, Marème Faye est d’une simplicité frappante et d’un humour touchant. Sa
simplicité en a déjà fait une première Dame pas comme les autres. “Nous étions à
Abuja. Elle était avec une garde nigériane. Elle lui a demandé son nom, elle lui
a dit qu’elle s’appelait Marème. La première Dame a souri, en lui faisant
remarquer qu’elles portaient le même prénom”, confie un journaliste ami de la
famille. La garde en était tout de même choquée, pour avoir été rarement abordée
avec autant de simplicité. Dans les couloirs, les gardes étaient toujours
surpris de voir cette première Dame qui passe parfois pieds nus.
C’est
elle, celle qui est peu bien traitée par les médias, qui aide son mari président
à garder les pieds sur terre et la tête sur les épaules. De fait, Marème Faye
n’a pas plus de pouvoirs qu’en avait Viviane Wade, qui avait des fonds
politiques de plusieurs centaines de millions de francs et avait un cabinet avec
sa pléthore de gardes du corps et de servantes. Elle n’en a pas plus qu’en avait
Elisabeth Diouf, avec sa fondation et ses amis. Mais les Sénégalais doivent
d’abord apprendre à vivre avec une première Dame comme eux, une Sénégalaise bon
teint qui aime aller au marché sans être accompagnée. C’est peut-être ce qui les
fait éructer en premier, au lieu de les rendre fiers.
Papy
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