(Sud Quotidien 09/03/2013)
Deux morts et quatre blessés dont trois ouvriers maçons dans
un état jugé grave. C'est encore le lourd bilan de l'effondrement complet, hier,
vendredi, d'un immeuble en construction (R+4) à la cité Asecna à
Ouakam.
C'est un immeuble R+4 en construction qui s'est effondré comme un
château de cartes à la cité Asecna de Ouakam hier, vendredi. Le bilan est
lourd.
Deux (2) morts et quatre (4) blessés dont trois (3) dans un état
critique et qui ont été acheminés respectivement dans les hôpitaux de Grand Yoff
et Principal. Si le premier corps sans vie du nom de Moussa Gueye, fils de
l'entrepreneur, a été acheminé dès le matin à l'hôpital Aristide Le Dantec, le
déterrement de l'autre corps sous les décombres, n'a pas du tout été facile. Ce,
nonobstant les opérations de secours des sapeurs pompiers, «armés» de camions et
tracteurs qui s'activaient pour enlever les gravas et autres débris pour
extraire le corps sans vie.
Avec l'aide des camions, ils ont pu enlever
la majeure partie des débris. Les grondements des moteurs de Caterpillar en
disent long sur la gravité de la situation. Le tout sur un fond de poussières,
obligeant certains à porter des masques.
Il était 17 heures passées lorsque
soudain, un silence de cathédrale s'abat sur les lieux. Le corps sans vie est
repéré sous les décombres. Toutes les personnes proches des lieux ont été
sommées d'évacuer les lieux par les éléments de la gendarmerie. Les ordres sont
clairs : pas de caméras, ni d'appareils photos encore moins de portables. Même
pour ceux qui sont sur les balcons de leurs étages pour assister au
drame.
L'ambulance qui est arrivée sur les lieux a eu fort à faire en
s'approchant au moment où les sapeurs pompiers s'activaient pour envelopper le
corps sans vie dans une toile bleue avant que les hommes en blanc ne s'ébranlent
vers la corniche, destination : l'hôpital général de Grand Yoff. Il aura fallu 8
heures de recherche (10h-17h) pour aboutir à cette opération.
Selon les
informations recueillies sur le terrain, le propriétaire de ce chantier serait
muni d'un permis de construire d'un bâtiment R+2. Pis, le chef de chantier
principal de cet immeuble, sous les ordres du propriétaire, en lieu et place de
deux étages, a construit un bâtiment de quatre étages. Le résultat est
dramatique !
«Nous avons toujours interpellé le chef de chantier sur
cette situation. Voilà les conséquences maintenant », a dit un des habitants de
la cité. Le constat reste unanime. Les riverains ont toujours indexé les travaux
de terrassement qu'effectuait l'entrepreneur. Selon eux, le bâtiment ne pouvait
pas tenir longtemps.
La thèse est bien confirmée par les gravas, les
débris de briques et autres fers qui jonchaient cet espace, constituant une
montagne. De loin, les fers de ce bâtiment ressemblés à des fils de fers. «Je
vous jure que ce sont des fers de 8 et 6 que l'entrepreneur a utilisés. J'ai
fait la remarque maintenant », avance un autre maçon dont le chantier se trouve
à quelques encablures des lieux du drame.
En plus de l'effondrement du
bâtiment causant des pertes en vies humaines, on a noté une voiture endommagée
dont le propriétaire, selon certaines sources, est en voyage.
Cet
effondrement pose avec acuité encore la question des normes de constructions des
immeubles à Dakar. On se rappelle l'effondrement des bâtiments à Sicap-Liberté
ou aux Parcelles assainies. Même s'il y avait eu peu de pertes en vies
humaines.
REACTIONS…
Une plainte en cours sur le
propriétaire en fuite
Le maire de Dakar n'a toutefois pas l'intention de
fermer les yeux face à la situation. Une plainte sera ainsi déposée contre le
propriétaire de l'immeuble de quatre étages qui s'est effondré. Selon Khalifa
Sall, il y a déjà destruction de bien d'autrui. «Nous allons porter plainte. Il
est évident qu'il (le propriétaire-ndlr) devra assumer. Il a fui mais, nous
avons pu le retrouver déjà et savoir qui il est et comment le saisir le moment
venu», a-t-il dit.
Avant d'ajouter : «M. Athie qui est le propriétaire de
ce bâtiment avait une autorisation de construire pour deux étages, il était à
son 4ème étage. Les techniciens ont vu les matériaux utilisés. Ils sont ulcérés
et révoltés par l'irresponsabilité de cet entrepreneur et de ce propriétaire», a
déclaré le maire de Dakar qui a conclu en indiquant que «nous avons l'habitude
d'accuser Dieu à tort, mais les coupables, c'est nous».
KHALIFA SALL,
MAIRE DE DAKAR
«On ne peut pas continuer à décompter les morts… »
Le maire
de la ville de Dakar, Khalifa Sall et le préfet de la capitale ont effectué le
déplacement aux premières heures de l'effondrement de l'immeuble en construction
à Ouakam. Une manière pour eux de compatir à la douleur des familles éplorées et
soutenir les secouristes. Le maire socialiste de la capitale a réitéré son appel
à l'Etat pour qu'ensemble des mesures concrètes puissent être prises, tout en
affirmant sa volonté de déposer plainte contre le propriétaire de
l'immeuble.
«Comme je l'avais proposé à la Médina (Incendie de maison ayant
fait 9 victimes, il y a trois jours, Ndlr), il faudra, qu'en rapport avec
l'Etat, que nous puissions revoir les choses. On ne peut pas continuer comme ça
à égrener les morts chaque jour et à chaque occasion. Alors qu'on peut mener des
actions de prévention. Il faut que dans ce pays, on accepte de se dire la vérité
quoi que ça nous coûte », a dit le maire qui avait à ses côtés le préfet de
Dakar et d'autres personnalités responsabilités de la sécurité
nationale.
Khalifa Sall fera par ailleurs remarquer qu'il y a du
laisser-aller dans le domaine précis de l'urbanisme. «(…) cette situation-là
(effondrement de l'immeuble en construction) ou notre malheur est en train de
devenir une coutume. (…) Tous les deux jours nous avons des effondrements de
balcons ou d'immeubles parfois avec des morts. Ce qui est dommage, c'est aucune
règle n'est respectée. Ces gens construisent sans autorisation de construction.
Dans toute la zone aéroportuaire, c'est la même chose », a indiqué l'édile de
Dakar.
Apparemment très touché, le maire de la capitale a révélé que sur «les
huit derniers mois qui ont précédé l'élection présidentielle, les gens se sont
partagés les terres et chacun s'est empressé de construire. Et nous ne sommes
pas à l'abri de situations de cette nature».
Ibrahima Baldé, un des
blessés
«C'est Moussa, fils de l'entrepreneur, qui m'avait pris pour
travailler dans ce bâtiment. Il est mort. Quand je me suis rendu en haut du
bâtiment pour faire remonter le ciment, c'est en ce moment que le bâtiment a
commencé à s'effondrer. J'ai fermé les yeux et resté sur place jusqu'à
l'affaissement du bâtiment. Du coup, en plus du genou, ma tête me fait très mal.
J'ai vraiment eu la chance d'être en haut. D'ailleurs, c'est Moussa qui avait
l'habitude d'être en haut. Je suis un simple travailleur. J'étais conscient de
tout cela. On nous payé 2000 F.Cfa la journée. Je suis originaire de Casamance
et j'ai fait juste un mois ici. J'étais avec Moussa, Assane et Dia. Ils sont
âgés respectivement entre 20 et 25 ans»..
Khoudia Mbaye, ministre de
l’Urbanisme
«C'est une réaction de désolation. Je présente mes condoléances
aux familles des victimes. Pour éviter ces genres de drames, il faut que les
gens respectent les normes d'urbanisme et de construction. A coté de la
responsabilité des services de l'Etat, il y a aussi celle des citoyens qui est
engagée. Car, l'Etat ne peut pas mettre un agent derrière chaque citoyen. Il
faut que les gens sachent leurs obligations et s'en acquittent correctement.
L'Etat est très sensible sur la situation. Des mesures seront prises pour faire
face à ce genre de drames».
El Hadji Oumar Samb Gueye, Jaraaf de
Ouakam
«Nous sommes venus s'enquérir de la situation. Ce sont des choses qui
ne peuvent pas se prévoir. Nous remercions les autorités ainsi que l'armée
française. Il faut reconnaitre que c'est un soubassement. Certains y ont perdu
la vie par contre d'autres ont échappé à la mort. C'est parce qu'il n'y a pas de
contrôle. Il fait défaut. Au-delà de la municipalité, il y'a l'Etat dans ses
services compétents. La Mairie ne donne pas l'autorisation».
Lieutenant
Colonel, Mayé Konaté, responsable de la communication de la brigade nationale
des sapeurs pompiers
«Nous avons mobilisé17 véhicules et engins»
«Nous
sommes là depuis ce matin en intervention pour un immeuble effondré à Ouakam. On
a été alerté à 9 heures du matin pour un effondrement d'immeuble en construction
R+4 à la cité Asecna. Quand nous sommes venus sur les lieux, nous nous sommes
rendu compte que c'est un immeuble R+4 complètement effondré sur les ouvriers
qui étaient en train de faire des travaux. Pour le bilan provisoire, nous sommes
à 6 victimes dont 4 blessés et 2 corps sans vies. Les deux corps ont été évacués
à l'hôpital Aristide le Dantec et l'hôpital général de Grand Yoff. Pour les
blessés, nous avons enregistré trois graves dont un léger. Ils ont été acheminés
dans les hôpitaux de Grand Yoff et Principal de Dakar et le centre de santé de
Ouakam. Pour la Brigade nationale des sapeurs pompiers, nous avons engagé 180,
les forces françaises 20 éléments avec des moyens conséquents. Je leur remercie
pour leur collaboration, sans oublier les autres éléments. Pour les moyens
matériels, il y a 17 véhicules et engins. Des camions grus, des camions de
transports. Il faut saluer la participation des civils qui nous ont beaucoup
appuyés cette opération. Quatre pelles mécaniques, quatre camions misent à notre
disposition. Nous allons faire un déblayage total pour s'assurer qu'il n'y a pas
de victimes sous les décombres».
Jean Charles Tall, architecte
«C'est
inadmissible dans un pays civilisé. Un bâtiment qui s'effondre causant des
morts. Il y a des choses très simples qu'on peut mettre en œuvre, c'est juste
d'appliquer la loi. La loi fait obligation à tout le monde d'avoir un panneau de
chantier avec le numéro du permis de construire, le nom des gens qui
interviennent. Il y a combien d'immeubles dans Dakar qui ne respectent pas ces
règles ? Il y a des ingénieurs, des architectes qui sont là.».
Recueillis
par Ibrahima BALDE
© Copyright Sud
Quotidien
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