(Sud Quotidien 13/04/2012)
Le Sénégal vient de vivre, après le deuxième tour des
élections présidentielles tenues le 25 Mars 2012, un tournant décisif de son
histoire démocratique. Combien étions-nous à avoir peur de l’issue du scrutin ?
Combien de sénégalais et de sénégalaises avaient souhaité de voir un écart
considérable entre les deux (02) candidats pour éviter toutes tentatives de
contestation, source de violence ? Combien d’observateurs se disant avertis
prédisaient le chaos pour le Sénégal ?Grand a été notre soulagement
après la publication des premières tendances et après le coup de fil de Mr
Abdoulaye Wade en direction de Mr Macky Sall. Ainsi, déjà le 26 Mars 2012, Dakar
s’est réveillé dans le calme et la bonne humeur et donnait l’image d’une
capitale paisible. Les oiseaux de mauvaise augure et autres charognards de la
démocratie en quête de dividendes peuvent guetter d’autres enfers à pacifier !
Les différentes parties prenantes au processus électoral ont transcendé leurs
différences au nom de l’intérêt supérieur de la Patrie.
- Félicitations
Mr le Président Macky Sall pour cette sympathie populaire autour de votre
personne!
- Bravo au candidat de la coalition FAL Me Abdoulaye Wade pour
avoir accepté la défaite et soulagé les esprits!
-Chapeau au Peuple
Sénégalais pour avoir compris la force de la carte d’électeur dans une
démocratie!
- Merci à toutes les personnes éprises de paix qui, de par leurs
prières silencieuses, ont contribué à cette situation apaisée durant tout le
processus électoral !
Oui, le Sénégal a des valeurs et des richesses à
préserver ! Et il a montré, en Afrique, que l’alternance générationnelle est
possible sans effusion de sang et sans mobilisation effective et visible de la
communauté internationale.
Globalement et de l’avis de la plupart des parties
prenantes au processus électoral, le scrutin s’est tenu dans les règles de l’art
et il a été noté :
la maîtrise étonnante du processus électoral par les
autorités administratives ;
la disponibilité du matériel électoral à date et
heure échues ;
la grande mobilisation et la détermination du peuple
sénégalais debout comme un seul Homme pour exprimer et sécuriser son choix ou
son vote. Une page vient d’être tournée avec l’élection massive, transparente et
incontestée du 4ème Président de la République du Sénégal, son Excellence Mr
Macky SALL. La rupture annoncée se matérialise. Et elle doit se manifester et
être visible à tous les niveaux individuel et collectif ! L’effort de chaque
citoyen et de chaque citoyenne en vue de la consolidation de la démocratie a
payé. Cet effort collectif a animé chacun et chacune d’entre nous.
Le
citoyen sénégalais est conscient de la force de sa carte d’électeur et a su
transcender l’ignoble tentation exercée par de piètres politiciens postés en
embuscade dès l’aube du 25 Mars 2012 pour acheter des cartes d’électeur ou des
bulletins de vote du camp adverse. Ces responsables politiques, atteints de
cécité intellectuelle et tels des guichets automatiques ou distributeurs de
billets de banque, ont gaspillé leurs énergies malveillantes tristement et
vainement.
Dommage qu’ils n’aient pas compris et décrypté les messages lancés
par la population sénégalaise en quête de changement !!! Elle l’a voulu et elle
l’a eu. Son Excellence le Président Macky SALL a remplacé Me Abdoulaye Wade au
prix d’un effort collectif, d’un consensus âprement recherché. Certes, le
Président SALL a gagné par le biais d’une large coalition dénommée « Benno Bokk
Yakaar » ou les forces du changement mais la logique du « gagner ensemble »
devrait-elle prévaloir jusqu’à vouloir « gouverner ensemble » à tout prix
?
La position du nouveau président ne doit pas être confortable ! Et les
alliés ne doivent en aucun cas donner l’impression d’un gouvernement de partage
!!! Nous avons un pacte républicain à préserver et à sécuriser. Et cette
sécurisation passe par un changement de paradigmes et par la référence à un
certain nombre de valeurs de gouvernance jadis existantes mais jamais promues et
valorisées. Ces valeurs systématisées dès le Préambule de la Constitution
sous-tendent notre devise, la devise de notre République qui est « Un peuple- Un
but – Une Foi ».
Les défis sont immenses à quelque niveau et position où
l’on se trouve et peuvent être classés en trois (03) catégories.
1ère
catégorie : les défis opérationnels et basiques liés à l’amélioration des
conditions de vie des sénégalais et des sénégalaises :
A quelqu’un qui a
faim, qui a soif et qui est endetté, on ne peut pas demander d’avoir une vison à
long terme ou d’attendre une solution lointaine. Le latin dit bien : « primum
vivere, deide filosofare » : vivre d’abord, philosopher après. Ce dont le peuple
a besoin d’urgence, c’est des mesures hardies et concrètes pouvant impacter
positivement sur son vécu quotidien. Les sénégalais et sénégalaises ont adhéré
au Programme « Yoonu Yokouté » du leader de la Coalition « Benno Bokk Yakaar » à
hauteur de 65%. Par ce biais, un contrat de confiance s’est trouvé scellé entre
le Peuple et les Forces du Changement représentées par Mr Macky Sall. Certes,
les défis sont énormes et il est illusoire de vouloir tout régler tout de suite.
Il faut prioriser et s’organiser pour réaliser ces priorités.
La priorité
première est la réduction des denrées et produits de première nécessité (riz,
sucre, huile, gaz butane, etc. ) dans des proportions significatives ;
La
seconde priorité est la résolution de la crise dans le secteur de l’éducation.
Sauvez l’année Mr Le Président par le biais d’une concertation nationale.
Mesdames, Messieurs du corps enseignant, le Sénégal ne peut pas se permettre de
subir une année blanche après celle de 1988 ou une année invalide ;
La
troisième priorité est la prise en charge du monde rural : il faut garantir
l’accès transparent et équitable aux intrants aux paysans (hommes et femmes) et
combattre toute forme de corruption dans ce domaine ;
La quatrième priorité
est la gestion des inondations en Banlieue et à l’intérieur du Pays.
2ème
catégorie : les défis stratégiques liés à la préservation des fondamentaux de la
démocratie : Le défi majeur est relatif à la préservation du caractère sacré de
la Constitution, Charte Fondamentale du Sénégal. A cela s’ajoute la
réhabilitation des institutions profanées par des pratiques peu républicaines.
Les institutions, socle de la République, constituent des fondamentaux que le
4ème Président doit préserver. Combien de fois ont-elles subi des opérations de
lifting sans que l’essence ne soit vidée de sa substance ? Et au nom de ce défi,
nos gouvernants actuels ne doivent point se comporter comme des chefs de parti
alliés mais comme les représentants du peuple avec qui ils sont liés par un
pacte républicain de confiance qui sera apprécié à la lumière de leur
performance.
3éme catégorie : les défis liés à la gouvernance
Les
élections présidentielles de Mars 2012 ont promu le citoyen comme nouvelle force
vive avec laquelle il faut compter. La perte de vitesse des partis politiques
pris individuellement est bien réelle. La logique des coalitions a gagné au
détriment des individualités. La leçon à tirer est la fin de la gestion isolée
et solitaire du pouvoir au Sénégal. La diaspora, les medias, l’internet à
travers les réseaux sociaux via Facebook, Twitter, Viadeo,… etc. s’invitent au
débat. Et l’enjeu pour le 4ème Président de la République et son gouvernement
est comment concilier ces logiques dans une perspective de gouvernance inclusive
?
Le minimum souhaitable pour une démocratie vivace, c’est qu’au-delà de
cette séparation des pouvoirs promue par Montesquieu entre l’exécutif, le
législatif et le judiciaire, qu’ il ait un Pouvoir qui gouverne, une Opposition
qui s’oppose et s’allie au besoin et une société civile neutre, qualifiée,
responsable et non partisane. Sous cette enseigne, les alliés du Président Macky
Sall doivent nécessairement se préparer, après cette période de grâce et de
transition, à regagner leur terrain de prédilection c’est - à-dire l’Opposition
au nom de l’amour de la Patrie. Des sentinelles républicaines doivent surveiller
l’exercice du pouvoir, soutenir, encourager et, au besoin, alerter, rappeler à
l’ordre, dénoncer fermement.
Les alliés doivent y penser dès à présent et
garantir que des réflexions sérieuses au niveau des différents états majors
soient entamées pour s’assurer de la nécessaire alternance générationnelle dans
les partis. Le changement interne est inéluctable et c’est maintenant qu’il faut
l’envisager. Face à ce constat, la palette d’options n’est pas large et les
états majors ont le loisir de :
se préparer et affronter le changement
;
s’adapter ou disparaitre ;
Refuser le changement ou l’alternance et
subir l’émiettement.
Chers alliés, mettez à l’aise le Président Macky
Sall et préparez- vous à revoir le dispositif organisationnel de vos partis et à
donner une touche de jeunesse à vos structures !!! Après les élections
législatives, les partis politiques qui n’ont pas encore organisé des primaires
doivent le faire en toute transparence et en toute élégance. Et aujourd’hui, ce
n’est pas parce que tel ou tel parti ou responsable de parti a aidé à la
réalisation de l’alternance générationnelle à la tête de l’Etat qu’il doit
obligatoirement avoir un poste de Ministre, avoir une récompense à hauteur de sa
contribution. Est-il possible Mesdames, Messieurs de servir l’Etat, d’être au
service de la Nation en dehors de la position ministérielle ? Il n’y a pas de
gâteau à partager mais un Etat à gouverner, des institutions à préserver, des
acquis à sécuriser et des défis à relever.
Il faut savoir raison garder
et éviter de reproduire les mêmes tares qui ont été fatales au régime de
Wade.
La gouvernance inclusive nécessite contact c’est –à-dire proximité et
rétroaction ou feed back. Cette période de grâce doit être utilisée pour
promouvoir des stratégies de proximité et bannir l’arrogance et l’incompétence
comme mode de gouvernance.
Les défis et enjeux sont énormes mais
progressivement et sûrement le Sénégal peut y arriver.
Madame Awa
Gueye
Juriste
Experte en développement
gey_awa@yahoo.fr
© Copyright Sud
Quotidien
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire