mardi 18 décembre 2012

Sénégal - Oumar Sarr : "Les gendarmes m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas violer la Constitution"

Par Mehdi Ba, à Dakar
Convoqué par la gendarmerie, lundi 17 décembre, pour être entendu dans le cadre de l'enquête instruite par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) contre plusieurs ténors du régime Wade, le député et ancien ministre d'Abdoulaye Wade Oumar Sarr a été sauvé in extremis par son immunité parlementaire. Le même jour, le Parti démocratique sénégalais, dont Sarr est le coordonnateur, déposait une plainte contre le procureur spécial de la CREI, Alioune Ndao. Interview.
Jeune Afrique : Pourquoi avoir choisi de vous rendre à la convocation des gendarmes, le 17 décembre, alors que vous invoquez votre immunité parlementaire ?
Oumar Sarr : Cette convocation était illégale et anticonstitutionnelle. L'article 61 de la Constitution du Sénégal et l'article 51 du Règlement de l'Assemblée nationale disposent qu'un député en session ne peut être ni poursuivi ni arrêté. J'ai répondu à la convocation pour les pousser à la faute. Nous voulions voir s'ils iraient au bout de leur logique.
Comment s'est déroulée l'audition ?
Après m'avoir fait attendre pendant près de deux heures, les gendarmes m'ont demandé si j'avais une déclaration préalable à faire avant de commencer. Je leur ai indiqué que j’étais un député en session, et qu'à ce titre je ne pouvais être interrogé par leur service. J'ai ajouté qu'en tant qu'ancien ministre, je devrais théoriquement être poursuivi par la Haute cour de justice.
Comment les gendarmes ont-ils réagi ?
Ils se sont retirés pour se consulter. J'imagine qu'ils se sont également tournés vers leur hiérarchie. Quand ils sont revenus, quelques minutes plus tard, ils m'ont simplement déclaré qu'ils ne pouvaient pas violer la Constitution et m'ont prié de quitter les lieux.
À l'Assemblée, vos collègues du groupe libéral ont marqué leur désapprobation…
Le groupe s'est bien comporté. À l'unanimité, dans le cadre du débat sur la Haute Cour de justice, nos députés ont posé une question préalable sur mon audition par les gendarmes. Puis ils ont quitté l'hémicycle pour venir me rejoindre à la gendarmerie de Colobane. Ensuite, je suis moi-même venu à l'Assemblée pour faire savoir que j'avais été relâché.
Si nécessaire, nous n'hésiterons pas à nous tourner vers la Cour de justice de la Cedeao.
Le matin même, avec Karim Wade et Samuel Sarr, vous aviez par ailleurs fait déposer une plainte auprès de la Cour suprême contre le procureur spécial…
Nous reprochons au procureur Ndao la violation de plusieurs principes fondamentaux. Tout d'abord, il a tenu une conférence de presse lors de laquelle nos noms ont été jetés en pâture, et où il a cru bon de préciser que les détournements qu'on nous reprochait ne se chiffraient pas en millions mais en milliards de francs CFA. Ensuite, il est à l'origine de notre interdiction de sortie du territoire, que nous avons apprise par voie de presse sans qu'elle ne nous soit jamais notifiée. C'est pour cela que la semaine dernière, avec Karim Wade, Samuel Sarr et Madické Niang, nous avons tenté d'embarquer sur un vol à destination d'Abidjan afin de savoir si cette histoire était réelle ou pas.
Nous avons fait constater par huissier l'interdiction d'embarquer qui nous a été opposée. Il y a aussi ma convocation en pleine session parlementaire, au mépris des textes. Enfin, nous considérons que la CREI - devant qui la charge de la preuve incombe à l'accusé - n'est pas compétente pour instruire contre d'anciens ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions. C'est la Haute Cour de justice qui devrait être saisie. Il s'agit d'atteintes graves aux libertés fondamentales. Si nécessaire, nous n'hésiterons pas à nous tourner vers la Cour de justice de la Cedeao.
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Propos recueillis à Dakar par Mehdi Ba
Jeuneafrique.com

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