(Leral 18/12/2012) Dans son ouvrage intitulé « l’art de la guerre » paru au VIe siècle avant J.C, Sun Tzu, général chinois de l’armée Wu, enseignait que « la diversion est au cœur de la bonne manœuvre ». En l’an de grâce 2012, soit deux millénaires après sa mort, l’âme du stratège chinois peut reposer en paix tant il a trouvé en Macky Sall un épigone de prestige.
En effet, à l’heure où notre peuple dolent est emporté comme fétu dans le séisme de la crise actuelle, le président de la République, exténué d’échecs, verse dans la diversion et l’enfumage.
C’est ainsi que l’actualité politique, loin d’être dominée par les vrais sujets du moment, est marquée par les auditions à la queue leu leu des suppôts de l’ancien régime à qui la justice cherche noise. Cette sainte croisade du paladin Macky Sall contre l’enrichissement illicite n’est, en réalité, que l’occupation médiatique d’un vide politique, le baroud d’un président acculé par la demande sociale. Si le président de la République s’est engagé aussi résolument dans la politique de la matraque, c’est bien parce qu’il se sait incapable de sortir notre pays de l’ornière gluante où il s’enlise jour après jour. Aujourd’hui, des cohortes de jeunes diplômés s’amoncellent au quotidien devant les guichets clos de l’emploi. La crise énergétique, d’une sévérité inénarrable plonge de plus belle nos pénates dans les ténèbres. Et la crise alimentaire continue d’ouvrir ses crocs vers lesquels nous avançons transis. Derrière le drapeau noir qui flotte sur les marmites, derrière un pouvoir d’achat élimé, ce que le peuple aperçoit à travers le miroir national, c’est un pays déclinant où les classes moyennes s’essoufflent et où le travailleur pauvre désespère. Face à l’ampleur du désastre, Macky Sall ne propose aucune politique à la mesure du péril, aucune vision sinon celle de l’échappatoire, de la diversion et de l’évitement. Voici donc que sont jetés dans un chaudron de sorcières, une brochette aléatoire de dignitaires de l’ancien régime, livrés en proies exsangues aux pandores de la CREI. Le peuple sénégalais, d’humeur répressive en ces temps de crise, se réjouit de la fermeté du président de la République à l’égard des suppôts de l’ancien régime. Et réclame, par là même, des coups de pelle à tarte sur ceux qui se sont servis en toute illégalité. Ainsi donc, nonobstant un début de mandat calamiteux et des échecs à répétition, Macky sall aura réussi à endormir le peuple sous le chloroforme de la diversion. Si la manœuvre est politiquement habile, elle est moralement exécrable.
Certes, les appétences des sénégalais pour la transparence et la bonne gouvernance sont légitimes tant Wade et ses féaux leur auront, sur ce plan, défailli. Le régime de Wade, on le sait, fut vérolé par la prévarication et son règne fut, jusqu’à son terme, emboucané par les miasmes de la corruption. On sait que, dans nos comptes publics, nos princes d’alors ont prélevé leur dîme. Douze années durant, les libéraux, tourneboulés par le lucre, avaient fini par tailler au régime de l’alternance un costard de filou. Sous le règne de Wade, que de milliards auront été détournés ! Et que de scandales étouffés sous le manteau de Noé de la raison d’Etat ! Aussi l’humeur répressive de nos concitoyens à l’égard des prévaricateurs est-elle tout à fait légitime. Mais le fait est que l’actuel président de la République ne saurait s’ériger en donneur de leçons tant les remugles putrides de son passé de Wadiste lui enlèvent tout crédit. Dernier grand Seigneur d’un Wadisme que la postérité dépouille jour après jour de ses trucages, Macky Sall se sera, lui aussi, grassement enrichi dans la caserne d’Ali Baba. Pauvre hère avant l’alternance, il est aujourd’hui à la tête d’une fortune chiffrée à plusieurs milliards et qu’aucune de ses fonctions occupées sous le règne de Wade ne saurait justifier. Pour rappel, un ministre sous Wade touchait peu ou prou 2 millions FCFA mensuels dont il convient de défalquer les dépenses inhérentes à la vie familiale. Faites les calculs sur une période de 8 ans et à moins d’un délire arithmomane, il vous sera difficile d’atteindre le centième de la fortune du président de la République. Macky Sall aura vraiment du mal à passer pour un paladin de la bonne gouvernance tant il a la conscience grise des ombres de l’affaire des sept milliards de Taïwan, immense scandale qui, au-delà du seul cas de Macky Sall, exhibe à tous la cupidité et l’immoralité de nos gouvernants. Rappelons aussi qu’avant d’entrer en dissidence contre le PDS, Macky Sall fut, comme bon nombre de fayots du défunt régime, le réceptacle des largesses inconsidérées du président Wade que l’on savait prodigue des biens de l’Etat. D’ailleurs, l’Histoire retiendra qu’il n’y a jamais eu de valet plus infâme et plus traitre à son prince que Macky Sall. Voir l’actuel chef de l’Etat se lancer à l’assaut de l’enrichissement illicite est cocasse à souhait. Venant d’un homme dont l’enrichissement fulgurant et exponentiel est plus que douteux, c’est un peu fort de café ! Aussi incliné-je à croire que toutes ces auditions devant les pandores de la CREI n’ont pour seul but que d’occulter l’impéritie d’un président de la République bien à quia face à une forte demande sociale. Il s’y ajoute que ces auditions sont, à bien des égards, sélectives puisqu’elles ne visent que les hiérarques libéraux restés dans l’opposition. Peu avant la dernière présidentielle, bon nombre de dignitaires du PDS, subodorant le naufrage du Titanic, avaient, tels des girouettes, migré vers les vertes prairies de l’APR. Le PDS s’en était d’ailleurs retrouvé complétement ratiboisé. Aujourd’hui, ces transhumants sont béatement encoconnés dans l’ombre tutélaire du président Macky Sall qui prend soin de les ménager dans sa chasse aux sorcières. Ainsi d’Aminata Tall, ex pasionaria du PDS et, aujourd’hui, promue ministre d’Etat. Ainsi donc, tous les songe-creux qui croyaient en l’indépendance du pouvoir judiciaire dans notre pays peuvent déchanter : il y a bel et bien des odeurs de lettres de cachet dans la justice sénégalaise.
A l’heure où la nation s’enlise dans la mélasse, le barnum médiatique autour de la CREI empoisonne le débat politique comme les colchiques d’Apollinaire. Les vrais sujets sont éludés et le calamiteux début de mandat du président de la République en est, par là même, totalement éclipsé. Macky Sall peut donc se frotter les mains tant il trouve dans cette situation un bienfaisant dictame. Toutefois, son sursis ne sera que de courte durée puisque le peuple sénégalais dont on loue la grande maturité ne tardera pas à débusquer ses ruses et subterfuges.
EL HADJI MALICK SALL ELIMANE DONAYE
Président du Sillon des Opinions Libérales
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