(Sud Quotidien 18/02/2013)
«Je regrette que des passes d'armes aient lieu entre
alliés», dixit Idrissa Seck. «Bennoo est invivable», tranche net Moussa Touré.
Quant à Doudou Sarr, il demande à mettre fin au gouvernement de Abdoul Mbaye
qui, estime-t-il, «n'est pas capable de satisfaire les Sénégalais».
Ces
sorties récentes de membres de la mouvance présidentielle, et non des moindres,
suffisent à elles seules pour rendre compte du climat délétère qui règne au sein
de Bennoo Bokk Yaakaar. A l'épreuve du pouvoir, la coalition qui a élu Macky, le
25 mars 2012, est traversée par moult facteurs d'implosion.
En butte au
choc des ambitions de ses leaders, aux divergences d'objectifs politiques, aux
critiques internes et à la perspective des Locales de 2014, Bennoo Bokk Yaakaar
qui s'est longtemps maintenue dans une sorte de guerre froide se fissure de plus
en plus.
Moins d’une année après sa mise sur pied, Bennoo Bokk Yaakaar
(BBY) baigne dans une atmosphère de suspicions qui laisse planer de fortes
menaces sur son avenir. L’alliance hétéroclite composant la mouvance
présidentielle semble presque au bord de l’implosion. Déjà, le bloc est en train
de se fissurer. Les sorties, ce week-end, de Moussa Touré et Doudou Sarr, tous
deux anciens ministres et membres à part entière de Bokk Yaakaar, en sont de
parfaites illustrations.
Le premier, ancien soutien de Moustapha Niasse
à la présidentielle, ne met ainsi pas de gants pour fustiger la coalition.
«Bennoo Bokk Yakaar est invivable», tranche-t-il. Quant à Doudou Sarr,
ex-coordonnateur adjoint du M 23, il estime qu’il faut plutôt mettre un terme au
gouvernement de Abdoul Mbaye qui, selon lui, est incapable de prendre en charge
la demande sociale des Sénégalais.
Est-ce la fin de la solidarité, est-on
tenté de se demander? Tout porte à le croire, d’autant que les coups semblent
pleuvoir de partout. A l’instar des attaques de Youssou Touré et des enseignants
« apéristes » à l’encontre de Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’Education et
non moins membre du Parti socialiste de Ousmane Tanor Dieng, allié de premier
choix de Macky. Mor Ngom, le directeur de cabinet du Président de la République
ne fera pas moins. Le responsable de l’Apr (parti au pouvoir) est récemment
monté au créneau pour fustiger, au nom du respect de la solidarité
gouvernementale, les appréciations de Idrissa Seck et des Rewmistes contre
l’action de l’Etat. La réponse acerbe des lieutenants de l’ancien Premier
ministre ne s’est pas fait attendre, invitant Mor Ngom à «rester à sa
place».
Sans entrer dans la polémique, Idrissa Seck a répondu par contre
du tic au tac. «Je regrette que ces passes d’armes aient lieu entre alliés. Je
m’interdis toute polémique. Je ne réponds pas à des invectives, à des menaces et
autres calomnies. Tout ce qui m’intéresse, c’est la solution aux problèmes des
Sénégalais. Comment réduire le coût de l’électricité, des denrées de premières
nécessités et comment régler les problèmes de inondations», plaide l’ancien
homme fort du PDS sur les ondes de Sud Fm. Prenant d’ailleurs du recul par
rapport à ces passes d’armes, Idrissa Seck qui vient d’obtenir son récépissé
s’efforce de tisser sa toile. En plus de la restructuration de son parti, le
maire de Thiès séjourne de moins en moins en dehors du pays. Mieux, il se
positionne davantage en perspective de la Présidentielle de 2017 et a déjà
entamé un an de tournée nationale.
Une preuve si besoin en est que le
choc des ambitions portées par certains leaders de BBY risque à terme de
provoquer cette implosion annoncée de la mouvance présidentielle. Une coalition
dont l’unité aura du mal à franchir le cap des élections communales de 2014,
selon bien de ses acteurs. Moussa Touré s’est même dit convaincu que Bennoo n’en
sortira pas indemne. Les contradictions internes, les divergences de convictions
et d’objectifs politiques comme les frustrations plus ou moins tues de certains
alliés de Macky semblent être appelées à effriter au quotidien la dynamique
Bennoo Bokk Yaakaar.
Pour rappel, aux Législatives de 2012 déjà, les
alliés n’avaient pas manqué de fustiger la «gourmandise» de l’Apr. Seulement, le
modus vivendi de Macky Sall avait fini par convenir (ou à s’imposer) à tout le
monde. Au finish, Benno Siggil Senegaal qui avait soutenu Moustapha Niasse au
1er tour de l’élection présidentielle du 26 février, s’est retrouvé avec 21
députés dont 8 seulement de l’Afp contre 20 députés du PS et 10 de Rewmi. L’Apr
s’est taillé la part du lion avec 65 députés sur les 119 de la mouvance
présidentielle. Au niveau de l’attelage gouvernemental, le même schéma était
reconduit pour le partage des ministères. Il n’est pas évident qu’un tel
scénario puisse prospérer, lors des Locales de 2014. De sorte qu’on peut
postuler que l’éclatement de Bokk Yaakaar, loin d’être dans l’air du temps,
semble une réalité que Macky aura du mal à éviter, à moins de lâcher du lest,
encore et encore. Déjà Idrissa Seck a déclaré que le critère qui avait prévalu
lors des Législatives ne pourrait être appliqué pour les élections locales.
Abdoulaye THIAM
© Copyright Sud
Quotidien
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire