(Le Soleil 11/01/2013)
L’Assemblée nationale, réunie hier après-midi en séance plénière, a levé l’immunité parlementaire des députés Oumar Sarr, Me Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé. Cette mesure fait suite à la demande du Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Les trois députés mis en cause ont boycotté la séance alors que le groupe des « Libéraux et démocrates » n’a ni pris la parole, encore moins participé au scrutin.
L’instant est grave. On entendrait une mouche voler au sein de l’hémicycle. Les députés passent au vote. Il est un peu plus de 17 heures ce jeudi 10 janvier quand un grand pas est en train d’être franchi dans la lutte contre les biens présumés mal acquis. Quelques minutes auparavant, d’une voix de stentor, le président Moustapha Niasse avait, par deux fois, donné la parole aux absents les plus…présents de cette mémorable séance plénière. Soucieux de respecter toutes les formes de procédure, il avait fait constater les absences des trois députés. C’est le député, le secrétaire élu Amath Cissé qui fait le décompte. Une forêt de bras se lève quand le président de l’Assemblée nationale pose la question de savoir « qui sont pour la levée de l’immunité parlementaire de nos collègues ». Imparable. Cent treize (113) parlementaires sur cent cinquante (150) veulent que les trois concernés répondent devant la Justice.
Une salve d’applaudissements qui partait des sièges de la majorité est interrompue par le président Moustapha Niasse : « attendez, attendez, il faut recueillir les avis des autres », tonne t-il. Cinq (5) sont contre. Il s’agit, entre autres, des députés Djibo Kâ, Demba Diop Sy, Alioune Abatalib Guèye, Mme Sokhna Dieng Mbacké… Le groupe parlementaire des « libéraux et démocrates » conduit par Modou Diagne Fada ne vote ni pour, ni contre. Fort logiquement, les députés élus sur la liste du Pds refusent de prendre part au scrutin. Les jours précédents, ils n’avaient eu de cesse de dénoncer « l’irrégularité de la procédure » contre leurs trois collègues.
Une seule abstention, il s’agit d’Abdoulaye Makhtar Diop des non-inscrits. La messe est dite. De manière solennelle, le président de séance lâche la phrase fatidique : « l’immunité parlementaire de nos collègues Oumar Sarr n°1, El Hadj Ousmane Alioune Ngom, Abdoulaye Baldé est levée ! » Une bronca parcourt les sièges des députés dont la plupart célèbre « une victoire ». Epilogue d’une plénière réglée comme du papier à musique qui avait commencé quand un huissier avait annoncé l’arrivée du président Moustapha Niasse.
La « plaidoirie » de Moustapha Diakhaté
Retour en début de séance. La parole est d’abord donnée au rapporteur de la commission ad-hoc qui devait entendre les trois députés. Il s’agit du député et ancien journaliste à la Rts, Ibrahima Sané. Il explique que « la commission s’est réunie en plusieurs séances sous la présidence de notre collègue Moustapha Diakhaté (…). Les travaux se sont déroulés conformément au calendrier élaboré par la conférence des présidents ». Ensuite, il précise que « le lundi 7 janvier 2013, la commission ad-hoc a adopté le calendrier des rencontres avec les collègues concernés et leur a adressé des convocations individuelles qui ont toutes été déchargées ».
Le mardi suivant, cette commission devait recevoir, dans l’ordre, Oumar Sarr n°1, Me Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé pour ensuite délibérer et adopter son rapport le lendemain, mercredi 9 janvier. Le jour prévu pour leur audition, aucun des trois ne s’est présenté. Ce mardi, informe Ibrahima Sané, Modou Diagne Fada, membre de droit de la commission ad-hoc en tant que président du groupe parlementaire de l’opposition remet à Moustapha Diakhaté sa lettre de démission de la structure, « après avoir effectivement pris part à la première séance d’audition.
Il insiste sur le fait que les commissaires ont attendu une heure pour constater que les trois députés n’ont pas déféré à la convocation.
C’est ainsi que le mercredi 9 janvier, la commission a délibéré sur les demandes du procureur spécial près la Crei. Selon le rapporteur de la commission, le procureur Alioune Ndao a motivé sa demande par ces motifs : « ayant reçu l’information selon laquelle les honorables députés Oumar Sarr et Abdoulaye Baldé auraient profité de leurs fonctions gouvernementales passées pour s’enrichir de façon illicite, j’ai instruit le commandant de la section de recherches de la gendarmerie nationale suivant les lettres N°0002 et 0003 en date des 8 et 15 octobre 2012, aux fins d’ouvrir une enquête pour élucider ces faits ».
Le magistrat utilise les mêmes termes en ce qui concerne l’ancien ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom, à la différence qu’en ce cas précis, il a confié l’enquête au directeur de la Police judiciaire et que sa lettre est datée du 27 décembre 2012. Le député Ibrahima Sané conclut la lecture de son rapport : « soucieuse de faciliter la manifestation de la vérité, et afin de permettre à la justice de faire son travail, la commission ad-hoc recommande à l’Assemblée nationale la levée l’immunité parlementaire des collègues… ». Frémissements de satisfaction dans l’hémicycle.
Sokhna Dieng se signale
La séance est spéciale car peu ont droit à la parole. Le président du groupe « Benno Bokk Yakaar », -la majorité-, Moustapha Diakhaté, le suit au micro. Il rappelle tout le processus qui a conduit à la plénière. Il insiste surtout sur les questions de procédure et rappelle que la question de la légalité ne se pose. « Leur présence devant la commission ad-hoc en vue d’être entendus, prévue par le règlement intérieur (article 52 alinéa 2) est l’occasion qui leur était donnée pour défendre leur position et surtout éclairer la commission », se désole t-il.
Il estime que le bureau de l’Assemblée nationale, la conférence des présidents, la commission ad-hoc ont travaillé « dans le respect scrupuleux des dispositions de la Constitution, du règlement intérieur de l’Assemblée, de la pratique parlementaire relatives à la levée de l’immunité parlementaire ». Suivront des arguments juridiques sur la pertinence de la Crei et les raisons de la conclusion de la commission favorable aux demandes du procureur spécial (voir article ci-dessus). Il ne peut s’empêcher de brocarder l’attitude du groupe libéral : « c’est faire preuve de malhonnêteté politicienne que de considérer qu’elle est née avec une tare congénitale après avoir participé à la conférence des présidents qui a défini le processus de sa mise en place », tonne-t-il. A ses yeux, il s’agit « tout simplement » de permettre à la justice sénégalaise de poursuivre « convenablement » les enquêtes. Mme Aminata Touré, ministre de la Justice, prend alors la parole.
A la fin du speech de la Garde des sceaux, Moustapha Niasse demande si les trois députés ont des « défenseurs » au sein de l’hémicycle. Il cite un à un les cas. Silence de cathédrale. Il insiste et demande si un parlementaire voudrait le faire pour l’un d’eux. Un cimetière aurait été plus bruyant. Il demande alors s’il y a un député qui va voter contre et qui souhaiterait s’exprimer. Sokhna Dieng Mbacké, ancienne journaliste de la Rts se signale. Murmures. Elle explique grosso modo que la levée d’une immunité parlementaire est trop grave pour être banalisée. Elle dénonce un manichéisme qui verrait un Sénégal des bons et un Sénégal des méchants ; un Sénégal des mains propres et un autre des mains salles ! Elle prévient ses collègues que beaucoup parmi eux pourraient, dans quelques années, vivrent la situation des trois parlementaires incriminés avec force allusions. Début de huées. Le président de l’Assemblée nationale redemande le calme. Ce qu’il obtient. On passe au vote. Une formalité.
Samboudian KAMARA et Maguette NDONG
© Copyright Le Soleil
L’Assemblée nationale, réunie hier après-midi en séance plénière, a levé l’immunité parlementaire des députés Oumar Sarr, Me Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé. Cette mesure fait suite à la demande du Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Les trois députés mis en cause ont boycotté la séance alors que le groupe des « Libéraux et démocrates » n’a ni pris la parole, encore moins participé au scrutin.
L’instant est grave. On entendrait une mouche voler au sein de l’hémicycle. Les députés passent au vote. Il est un peu plus de 17 heures ce jeudi 10 janvier quand un grand pas est en train d’être franchi dans la lutte contre les biens présumés mal acquis. Quelques minutes auparavant, d’une voix de stentor, le président Moustapha Niasse avait, par deux fois, donné la parole aux absents les plus…présents de cette mémorable séance plénière. Soucieux de respecter toutes les formes de procédure, il avait fait constater les absences des trois députés. C’est le député, le secrétaire élu Amath Cissé qui fait le décompte. Une forêt de bras se lève quand le président de l’Assemblée nationale pose la question de savoir « qui sont pour la levée de l’immunité parlementaire de nos collègues ». Imparable. Cent treize (113) parlementaires sur cent cinquante (150) veulent que les trois concernés répondent devant la Justice.
Une salve d’applaudissements qui partait des sièges de la majorité est interrompue par le président Moustapha Niasse : « attendez, attendez, il faut recueillir les avis des autres », tonne t-il. Cinq (5) sont contre. Il s’agit, entre autres, des députés Djibo Kâ, Demba Diop Sy, Alioune Abatalib Guèye, Mme Sokhna Dieng Mbacké… Le groupe parlementaire des « libéraux et démocrates » conduit par Modou Diagne Fada ne vote ni pour, ni contre. Fort logiquement, les députés élus sur la liste du Pds refusent de prendre part au scrutin. Les jours précédents, ils n’avaient eu de cesse de dénoncer « l’irrégularité de la procédure » contre leurs trois collègues.
Une seule abstention, il s’agit d’Abdoulaye Makhtar Diop des non-inscrits. La messe est dite. De manière solennelle, le président de séance lâche la phrase fatidique : « l’immunité parlementaire de nos collègues Oumar Sarr n°1, El Hadj Ousmane Alioune Ngom, Abdoulaye Baldé est levée ! » Une bronca parcourt les sièges des députés dont la plupart célèbre « une victoire ». Epilogue d’une plénière réglée comme du papier à musique qui avait commencé quand un huissier avait annoncé l’arrivée du président Moustapha Niasse.
La « plaidoirie » de Moustapha Diakhaté
Retour en début de séance. La parole est d’abord donnée au rapporteur de la commission ad-hoc qui devait entendre les trois députés. Il s’agit du député et ancien journaliste à la Rts, Ibrahima Sané. Il explique que « la commission s’est réunie en plusieurs séances sous la présidence de notre collègue Moustapha Diakhaté (…). Les travaux se sont déroulés conformément au calendrier élaboré par la conférence des présidents ». Ensuite, il précise que « le lundi 7 janvier 2013, la commission ad-hoc a adopté le calendrier des rencontres avec les collègues concernés et leur a adressé des convocations individuelles qui ont toutes été déchargées ».
Le mardi suivant, cette commission devait recevoir, dans l’ordre, Oumar Sarr n°1, Me Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé pour ensuite délibérer et adopter son rapport le lendemain, mercredi 9 janvier. Le jour prévu pour leur audition, aucun des trois ne s’est présenté. Ce mardi, informe Ibrahima Sané, Modou Diagne Fada, membre de droit de la commission ad-hoc en tant que président du groupe parlementaire de l’opposition remet à Moustapha Diakhaté sa lettre de démission de la structure, « après avoir effectivement pris part à la première séance d’audition.
Il insiste sur le fait que les commissaires ont attendu une heure pour constater que les trois députés n’ont pas déféré à la convocation.
C’est ainsi que le mercredi 9 janvier, la commission a délibéré sur les demandes du procureur spécial près la Crei. Selon le rapporteur de la commission, le procureur Alioune Ndao a motivé sa demande par ces motifs : « ayant reçu l’information selon laquelle les honorables députés Oumar Sarr et Abdoulaye Baldé auraient profité de leurs fonctions gouvernementales passées pour s’enrichir de façon illicite, j’ai instruit le commandant de la section de recherches de la gendarmerie nationale suivant les lettres N°0002 et 0003 en date des 8 et 15 octobre 2012, aux fins d’ouvrir une enquête pour élucider ces faits ».
Le magistrat utilise les mêmes termes en ce qui concerne l’ancien ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom, à la différence qu’en ce cas précis, il a confié l’enquête au directeur de la Police judiciaire et que sa lettre est datée du 27 décembre 2012. Le député Ibrahima Sané conclut la lecture de son rapport : « soucieuse de faciliter la manifestation de la vérité, et afin de permettre à la justice de faire son travail, la commission ad-hoc recommande à l’Assemblée nationale la levée l’immunité parlementaire des collègues… ». Frémissements de satisfaction dans l’hémicycle.
Sokhna Dieng se signale
La séance est spéciale car peu ont droit à la parole. Le président du groupe « Benno Bokk Yakaar », -la majorité-, Moustapha Diakhaté, le suit au micro. Il rappelle tout le processus qui a conduit à la plénière. Il insiste surtout sur les questions de procédure et rappelle que la question de la légalité ne se pose. « Leur présence devant la commission ad-hoc en vue d’être entendus, prévue par le règlement intérieur (article 52 alinéa 2) est l’occasion qui leur était donnée pour défendre leur position et surtout éclairer la commission », se désole t-il.
Il estime que le bureau de l’Assemblée nationale, la conférence des présidents, la commission ad-hoc ont travaillé « dans le respect scrupuleux des dispositions de la Constitution, du règlement intérieur de l’Assemblée, de la pratique parlementaire relatives à la levée de l’immunité parlementaire ». Suivront des arguments juridiques sur la pertinence de la Crei et les raisons de la conclusion de la commission favorable aux demandes du procureur spécial (voir article ci-dessus). Il ne peut s’empêcher de brocarder l’attitude du groupe libéral : « c’est faire preuve de malhonnêteté politicienne que de considérer qu’elle est née avec une tare congénitale après avoir participé à la conférence des présidents qui a défini le processus de sa mise en place », tonne-t-il. A ses yeux, il s’agit « tout simplement » de permettre à la justice sénégalaise de poursuivre « convenablement » les enquêtes. Mme Aminata Touré, ministre de la Justice, prend alors la parole.
A la fin du speech de la Garde des sceaux, Moustapha Niasse demande si les trois députés ont des « défenseurs » au sein de l’hémicycle. Il cite un à un les cas. Silence de cathédrale. Il insiste et demande si un parlementaire voudrait le faire pour l’un d’eux. Un cimetière aurait été plus bruyant. Il demande alors s’il y a un député qui va voter contre et qui souhaiterait s’exprimer. Sokhna Dieng Mbacké, ancienne journaliste de la Rts se signale. Murmures. Elle explique grosso modo que la levée d’une immunité parlementaire est trop grave pour être banalisée. Elle dénonce un manichéisme qui verrait un Sénégal des bons et un Sénégal des méchants ; un Sénégal des mains propres et un autre des mains salles ! Elle prévient ses collègues que beaucoup parmi eux pourraient, dans quelques années, vivrent la situation des trois parlementaires incriminés avec force allusions. Début de huées. Le président de l’Assemblée nationale redemande le calme. Ce qu’il obtient. On passe au vote. Une formalité.
Samboudian KAMARA et Maguette NDONG
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