(Seneweb 31/01/2013)
Le 25 février 2003, le journal Le Quotidien titrait à la
«Une» de son édition n° 002 : «Réorganisation de la présidence de la République
: Les Wade prennent tous les pouvoirs.» Karim Wade nous appela, pour nous
encourager du lancement d’un journal qui promet une bonne tenue mais il ne
manqua pas d’en profiter pour démentir l’information d’avoir été nommé
Conseiller spécial de son père Abdoulaye Wade, président de la République.
On se résolut à corriger l’information dans l’édition du lendemain mais
Karim Wade dira qu’il n’en était pas question car, ce serait un mauvais signal
pour les lecteurs de voir un démenti dans un journal dès son deuxième numéro de
parution. Il faut dire que cette «magnanimité» était sincèrement touchante.
Plus tard, on aura la preuve que nous avions bien raison en annonçant la
nomination de Karim Wade et de sa sœur Sindjely. Mieux, avec le temps, on
constatera que notre titre était on ne peut plus prémonitoire.
Un soir de
septembre 2004, à ma demande, je rencontrais Karim Wade à son domicile du Point
E à Dakar. J’avais trouvé sur les lieux, M. Babacar Diagne, alors conseiller
spécial du Président Abdoulaye Wade et qui avait pris part à notre discussion.
L’objet de la rencontre était de recueillir la réaction de Karim Wade quant à
des informations selon lesquelles, il était régulièrement aperçu à Paris,
descendant d’un jet privé dont la propriété intriguait bien du monde. M. Wade
répondait dans un grand éclat de rires que tout cela procédait d’une
affabulation. Devant notre insistance que notre source était fiable, Karim Wade
indiqua qu’il aurait pu être vu deux ou trois fois au Bourget à bord d’un jet
privé qui lui était prêté par «des amis arabes». Karim Wade se montrait si amusé
par l’information et semblait si persuasif que le doute nous habita. On saura
par la suite que Karim Wade n’avait pas dit la vérité en affirmant que l’avion
lui était prêté. «L’avion de Karim», un Falcon 50, a longtemps nourri les
supputations. Dans sa livraison n° 141 du 18 au 24 décembre 2010, Week End
Magazine levait un grand coin du voile sur cet avion. Une enquête avait permis
au magazine d’entrer en contact avec la société française Darnaudet transports
qui exploitait l’aéronef. Week End Magazine avait pris contact avec Darta sous
prétexte de chercher à louer ledit avion qui se trouvait à l’époque au Sénégal
avec son équipage de trois personnes, composé de Robert Burckel de Tell,
commandant de bord, de son fils Thibault Burckel de Tell, copilote et de Nisani
Thurair Rajas, hôtesse de l’air. Il ressort aussi de cet article que même si les
responsables de Darta contactés ne disaient pas de manière tranchée que l’avion
était la propriété personnelle de Karim Wade, ils indiquaient néanmoins que
l’avion était à la disposition exclusive de Karim Wade et qu’il faudrait son
autorisation pour pouvoir le louer à une tierce personne. Cette enquête de Week
End Magazine avait relancé la polémique sur la propriété de l’avion qu’utilisait
Karim Wade dans ses déplacements. Des journaux avaient annoncé une plainte de
Karim Wade contre Week End Magazine. L’assignation en justice tarde encore à
nous parvenir. Aujourd’hui, il est établi que l’avion appartenant à l’homme
d’affaires Abbas Jaber était loué par l’Etat du Sénégal pour le confort de Karim
Wade. Plus de 10 milliards ont été payés pour cela. Abbas Jaber lui aussi,
interrogé à maintes reprises, consentait simplement à dire que l’avion lui
appartenait mais il n’a jamais accepté de dire les circonstances dans lesquelles
cet appareil était mis régulièrement à la disposition de Karim Wade.
Le
journal Le Quotidien avait aussi, sur la foi d’informations publiées en 2011 par
le site d’informations Wikileaks qui avait mis en ligne des câbles diplomatiques
américains, fait état de l’arrestation de Karim Wade au Maroc pour une histoire
de possession de drogue. Karim Wade nous assigna en justice pour diffamation
mais, à notre grande surprise, le jour du procès, Karim Wade décida de retirer
sa plainte.
Quand le journal Le Quotidien avait annoncé que les hôtels
annoncés pour abriter le Sommet de l’Organisation de la conférence islamique
(Oci) ne seront pas livrés à temps et que le Sénégal se rabattrait sur le
Méridien Président pour y tenir la rencontre, de nombreux démentis nous avaient
été apportés par le service de communication de l’Anoci. L’histoire a fini par
retenir que 25 milliards de francs avaient été dépensés pour retaper le Méridien
Président et y tenir le Sommet de l’Oci. Sur de nombreux autres sujets, nous
avions été démentis avant que l’histoire ne nous donna raison. Nous avions
notamment annoncé que le site de l’ancien champ de tirs de l’Armée nationale,
situé au pied des Mamelles de Dakar, était cédé au franc symbolique à la société
Kharafi pour un hôtel alors que l’homme d’affaires Yérim Sow avait proposé à
l’Etat du Sénégal la somme de 13 milliards pour acquérir ledit terrain.
Nous avions interrogé Karim Wade sur son patrimoine immobilier en
France. Il nia posséder la moindre propriété à Paris jusqu’à ce qu’on finisse
par découvrir, à la faveur des enquêtes de la gendarmerie, qu’il détient au
moins un appartement à la Rue de la Faisanderie. Aussi, il affirmait louer
l’appartement de l’Avenue Victor Hugo qui s’avère être une propriété de Abbas
Jaber que Karim Wade continue d’occuper encore à l’œil. En 2005, le journal Le
Quotidien, reprenant une information publiée par une publication basée à Londres
Balancingact, avait évoqué un projet de cession d’une licence de téléphonie
mobile à Maroc Telecom et que Karim Wade était le maître d’œuvre de la
transaction. La publication au Sénégal d’une telle information avait provoqué un
tollé tel que BalancingAct était amené à retirer son information et à présenter
des excuses publiques à Karim Wade. Une assignation en justice avait été déjà
servie au journal Le Quotidien. Nous avions alors fait comme BalancingAct,
conformément aux règles professionnelles. Le Tribunal de Dakar prendra acte de
notre mea culpa mais, à la barre du Tribunal, Karim Wade nous souffla, à Soro
Diop auteur de l’article et à moi (en ma qualité de Dirpub à l’époque), qu’avec
une telle information, nous avions fait perdre plus de 200 millions de dollars
au Sénégal. Plus tard, le Directeur de BalancingAct, Russel Southwood, comme
habité par le remords, nous rendra visite à notre siège. On saura les
circonstances de son revirement mais le mal était déjà fait.
Par
Madiambal Diagne
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