jeudi 23 février 2012

CRISE ELECTORALE AU SENEGAL: que pourra Obasanjo ?

(Le Pays 23/02/2012)
L’ex-président nigérian, Olusegun Obasanjo, a été mandaté par ses pairs de l’Union africaine (UA) pour diriger une mission d’observation du scrutin présidentiel sénégalais qui, sauf cas de force majeure, doit se tenir le 26 février. Mais le Nigérian se dit obligé de mener une médiation entre les candidats en lice au regard du climat de violence dans lequel se déroule la campagne présidentielle. L’idée est certes louable mais cette double mission semble délicate et même extrêmement difficile.
Ce, d’autant plus que les positions des deux camps sont figées. L’opposition, on le constate, continue à réclamer à cor et à cri le retrait de la candidature de Abdoulaye Wade. Ce que ce dernier récuse de toutes ses forces. Les répressions sanglantes dirigées contre les manifestants de l’opposition le prouvent à suffisance. Et par rapport à cette éventuelle médiation, son camp a clairement annoncé qu’il est prêt à écouter le médiateur mais rejette toute proposition de retrait de sa candidature et de report de l’élection.
De son côté, en dehors de Ibrahima Fall qui se dit favorable à un report du scrutin, aucun autre candidat de l’opposition, en tout cas pas pour le moment, n’a l’air d’apprécier cette proposition. Autant dire que personne ne veut lâcher du lest. Comment Obasanjo pourra-t-il dans un tel contexte, nouer un dialogue fécond entre les deux parties ? Outre le fait que les acteurs en ordre de bataille ont des positions diamétralement opposées, il faut reconnaître que Obasanjo s’y est pris un peu tard.
Il aurait fallu engager cette médiation dès la validation de la candidature de Wade par le Conseil constitutionnel pour espérer avoir une oreille attentive. Mais à l’état actuel des choses, sans jouer aux oiseaux de mauvais augure, le médiateur court vers un échec. C’est vrai qu’il a encore deux jours devant lui pour faire valoir ses talents de médiateur. Mais comme un proverbe le dit, "lorsqu’un âne refuse de s’abreuver, il est difficile de l’y contraindre". Qui de l’Union européenne ou de la France n’a pas déploré l’attitude de Gorgui ?
Qui ne l’a pas appelé à la raison ? Même l’appel du président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, est resté lettre morte. Toutes choses qui montrent combien le challenge de l’ex-président nigérian est grand. Saura-t-il convaincre l’homme qui lui avait conseillé, il y a quelques années de cela, de ne pas briguer un troisième mandat, d’en faire autant ? S’il ne s’agissait que de la mission d’observation, on pourrait prédire qu’Obasanjo réussirait sans coup férir à relever le défi au regard de ses compétences.
Mais le manteau de médiateur dont il s’est drapé dans un pays au bord de l’implosion, risque de le conduire dans l’impasse. Il convient de souligner que l’élection présidentielle sénégalaise de 2012 est loin de ressembler à celle de 2000 qui avait porté Abdoulaye Wade au pouvoir. On constate que cette élection qui devait permettre au Sénégal d’écrire une nouvelle page de son histoire et de l’enrichir démocratiquement, est dépourvue de tout charme. Au contraire, elle brille par la violence qui la caractérise.
L’interdiction des manifestations de l’opposition à Dakar, notamment à la place de l’Indépendance, que la mission de l’Union européenne a condamnée parce que contraire au code électoral, risque fort d’envenimer davantage la situation. Pour tout dire, les Sénégalais s’acheminent vers un scrutin à hauts risques. Et même si le candidat Abdoulaye Wade venait à le remporter comme il l’affirme haut et fort, il risque de se retrouver avec une victoire au goût amer.

Dabadi ZOUMBARA

© Copyright Le Pays

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire