(Le Figaro 27/02/2012)
Selon des estimations non officielles, le président sortant ne va pas parvenir à se faire réélire, comme son camp l'avait prédit, dès le premier tour de l'élection présidentielle.
Le Sénégal se dirige vers un second tour de l'élection présidentielle. Lundi, si aucun chiffre officiel ne permettait d'affirmer que Abdoulaye Wade se trouvait mis en ballottage par son ancien premier ministre Macky Sall, personne n'en doutait vraiment. Les deux candidats seraient au coude à coude avec un avantage au président sortant. En fait, le suspens n'a guère duré.
Dans la nuit de dimanche, quelques heures à peine après la fermeture des bureaux de vote, les partisans de «Macky» avaient entériné ce qu'ils considèrent comme une victoire. Dans la grosse maison de béton qui sert de QG au candidat, une poignée de supporters s'était massée hurlant les slogans à la gloire de leur champion. Dans l'escalier étroit se bousculaient de nombreux journalistes, des conseillers divers et plusieurs politiciens à la fidélité mouvante. Dans un petit salon aux rideaux tirés, l'homme du jour tentait de se faire discret. Ses paroles sont rares. «Les tendances sont bonnes. Il semble qu'un second tour soit maintenant inéluctable mais il faut attendre», se contentait-t-il de glisser comme pour ne pas déroger à sa pondération habituelle. Les proches de Macky Sall veulent avant tout éviter de «vendre la peau de l'ours». Une leçon sans doute tirée de l'entourage d'Abdoulaye Wade qui tout au long de la campagne avait promis une victoire aisée et large dès dimanche. Autour de l'ex-premier ministre, l'ordre est à la prudence et à la modestie de façade. Le ballet des imposants hommes d'affaires dakarois, qui discrètement venaient féliciter le challenger, indiquait pourtant que quelque chose était en train de changer.
Une demi-surprise
Le silence qui régnait dans la permanence opérationnelle de Wade n'en était que plus curieux. Le petit appartement de banlieue chic de Dakar n'était troublé que par les cliquetis des ordinateurs amassant les résultats. Le siège du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), le parti au pouvoir, était, lui, plongé dans le noir seulement hanté par une dizaine de colleurs d'affiches tentant de se faire payer leur dîme. «Il faut attendre, nous n'avons encore rien de définitif», expliquait Amadou Sall, le porte-parole de campagne d'Abdoulaye Wade. Du bout des lèvres, on reconnaissait pourtant que le rêve d'une victoire rapide s'éloignait: «On fait comme si un second tour était une indignité. Mais ce n'est pas le cas. Il n'y a rien de honteux à gagner au second tour». Et Amadou Sall de se faire optimiste et rassurant, de parler de victoire pour le pays. «Cela démontre que la démocratie sénégalaise fonctionne. À une élection, on gagne ou on perd. Nous n'avons jamais dit comme Gbagbo, on gagne ou on gagne.»
Ce second tour annoncé n'est, il est vrai, qu'une demi-surprise. Ces dernières années, notamment lors des élections locales de 2009, le PDS n'était pas parvenu à franchir la barre des 50 %. L'image d'Abdoulaye Wade auprès de son peuple englué dans les difficultés du quotidien et de la vie chère s'était dégradée. «Dans ce contexte, une victoire au premier tour paraissait être un mirage. Mais l'affirmer était sans doute une opération de communication pour rendre cette idée possible et tout faire pour éviter ce second tour si dangereux» explique un universitaire sénégalais. Car si les tendances se confirment, Abdoulaye Wade pourrait se retrouver seul contre tous. Macky Sall devra néanmoins faire de la diplomatie pour rallier à lui tous les tenants d'une opposition qui jusqu'ici à toujours su faire l'étalage de ses divisions.
De notre envoyé spécial à Dakar
Par Tanguy Berthemet
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