(La Nouvelle Tribune (Bn) 28/02/2012)
Papy Wade en voie défait ? « L’enfarineur de Dakar » qui a succédé sur la scène politique ouest-africaine au tristement célèbre « boulanger d’Abidjan » dans ses frasques, serait-il promis à un sort similaire à celui de son illustre prédécesseur ivoirien ? Sans doute pas au point de se retrouver derrière les grilles de la cour pénale internationale, mais à en juger par le déroulement du scrutin et les premières tendances soties des urnes, Me Abdoulaye Wade n’a probablement pas emporté l’élection présidentielle au premier tour. Et si cela se confirmait, on peut déjà commencer à chanter le requiem de la dynastie Wade.
Le pire que les Sénégalais craignaient de la journée électorale du 26 février 2012 aurait eu deux facettes : chaos et K.O. Mais fort heureusement, le premier n’a pas eu lieu. Loin de là. Et le second s’éloigne des perspectives au fur et à mesure que les résultats de l’élection présidentielle se précisent. Il faut croire que la maturité du peuple sénégalais, sur les deux points, a été établie. Et que le sort a su être conjuré.
Il est vrai que ces derniers jours, le Sénégal n’a pas donné aux observateurs extérieurs et encore moins à ses populations à l’interne des motifs d’assurance et de quiétude. L’obstination des jeunes du collectif M23 à vouloir manifester place de l’indépendance contre la candidature jugée illégitime de Me Abdoulaye Wade, la répression ardue de ces rassemblements, les propos va-t-en-guerre de l’ensemble des acteurs de la scène politique, la « jungle » électorale … Tout donnait motif à angoisse et appréhension. Les Sénégalais iraient-ils finalement voter ? Dans la paix ? Et pour qui le feraient-ils étant donné que l’opposition dans sa grande majorité n’avait pas vraiment pris le temps d’aller au-devant des populations afin d’exposer ses ambitions pour le Sénégal de demain, le Sénégal sans Wade qu’il appelait de tous ses vœux ? Ne risquait-on pas d’assister à des scènes de violences électorales ? Et si Papy Wade l’emportait au premier tour ?
Les interrogations étaient nombreuses et variées. Elles expliquent sans doute le taux de participation qui s’annonce légèrement en deçà de ce qu’il fut en 2007. Mais hormis ce recul compréhensible, le peuple sénégalais pour le reste, a donné des signaux forts. La sérénité et le calme dans lesquels se sont déroulées les opérations électorales tout au long de la journée du 26 février, ont éloigné d’un coup le spectre des violences électorales tant redoutées. Comme d’autres peuples avant eux, les Sénégalais ont retrouvé à l’occasion du scrutin, la voie de la tolérance mutuelle. Le plus important étant, ils l’ont compris, d’exprimer par les urnes les positions qu’ils ont pour les uns défendues dans les rues, et pour les autres appuyées en accompagnant Me Wade dans ses virées à travers la république en campagne. Le chaos est évité.
L’autre motif de satisfaction, c’est que le K.O. annoncé par le camp Wade au premier tour n’a pas eu lieu. Et n’aura probablement pas lieu. La stratégie de la victoire au premier tour est connue et invariablement la même : dès lors qu’elle est promise, l’équipe de campagne n’attend habituellement pas la proclamation par les instances habilitées avant d’annoncer la concrétisation de la promesse (ou de la menace ; selon le camp où l’on se trouve). Ainsi, s’il devait être donné à Me Wade d’emporter le scrutin du 26 février dernier dès le premier tour, il n’y a pas de raison pour que cette victoire n’ait déjà été annoncée par son équipe de campagne. Plutôt que cela, le parti démocratique sénégalais (PDS), en perte de repères et en l’absence d’expression de son leader depuis les huées subies à l’occasion de son vote à Dakar, tente de gagner du temps. Laissant du coup l’opposition démontrer, à travers les premières tendances sorties des urnes, qu’un second tour est inévitable. D’ailleurs, Me Wade devait en être suffisamment conscient et depuis bien longtemps déjà. Lui qui, dans son projet de révision constitutionnelle du 23 juin dernier, ne tablait que sur 25% des suffrages exprimés pour que soit élu au premier tour le ticket présidentiel qu’il entendait instituer. Dans les circonstances actuelles, l’annonce par la Commission électorale nationale autonome (CENA) d’une victoire du Président Abdoulaye Wade au premier tour relèverait de la forfaiture la plus sordide. Conscient d’ailleurs de l’improbabilité de cette perspective, certains ténors du camp présidentiel s’en prennent déjà vertement aux possibles candidats qui pourraient affronter leur champion au second tour. L’ancien Premier Ministre Macky Sall qui semble avoir les chances des premières tendances est notamment stigmatisé comme étant en grande partie comptable du bilan de son ancien mentor.
L’épidémie de K.O. qui s’est récemment épandue dans l’Afrique des élections présidentielles épargnerait donc le Sénégal. A l’analyse, c’est de l’obstination et de l’aveuglement de Me Wade que procèdera, en cas de second tour sa défaite inéluctable. Mais le scrutin du 26 février 2012 au Sénégal a bien d’autres leçons à donner. La fin d’une génération sans doute. Le désaveu de certaines politiques plus que probablement. Et bien entendu l’essor d’un nouvel espoir pour une jeunesse sénégalaise trop souvent laissée sur le carreau. Mais rien n’est encore joué. Il ne faut pas vendre la peau du renard…
Écrit par James-William GBAGUIDI
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