La campagne en direction de l’élection présidentielle du 26 février 2012 a démarré dans un contexte inédit et lourd d’incertitudes.
Encouragé par un Conseil constitutionnel autiste et par un ego hypertrophié, le président sortant n’a pas hésité, du haut de ses 85 ans, à se dédire et à violer les dispositions de la loi fondamentale limitant les mandats à deux.
En face, l’opposition majoritairement regroupée dans le mouvement du M 23 menace d’organiser une élection parallèle et de former un Conseil national de transition. Elle a décidé de s’opposer à la forfaiture du candidat de la majorité sortante et à son rêve fou consistant à vouloir incarner l’avenir d’une population constituée à plus de 50% de jeunes de moins de 20 ans.
L'opposition doit s'organiser
Pour autant, une telle prise de position oblige à s’impliquer dans une gestion de la complexité. Loin de se focaliser sur un objectif unique qui par sa radicalité et son univocité excluent toute autre perspective, elle suppose au contraire d’autres possibles.
S’opposer n’est pas proposer. Parce que le combat est celui de la mobilisation et non du renoncement, des alternatives doivent être offertes en même temps que les plans d’action élaborés pour le retrait de la candidature du président sortant.
Les citoyens attendent aussi des leaders du M23 qu’ils dévoilent leurs programmes et leur donnent la possibilité de choisir. Il ne s’agit pas de se retrouver en panne de stratégie au soir du 26 février prochain.
C’est dans les bureaux de vote que ça se passera et il faudra être partout présent, d’où la nécessité de mutualiser les efforts en vue de sécuriser le scrutin. Il s’agit d’éviter de marcher sur une seule jambe ou de mettre tous ses œufs dans le même panier.
Les citoyens qui se sont fortement mobilisés le 23 juin 2011 autour du mot d’ordre «Touche pas à ma constitution» et qui, tout au long des mois qui ont suivi ont fait montre d’une grande défiance vis-à-vis du pouvoir en place, ont certainement envie de voir leurs attentes aboutir à des résultats probants. Pour une large majorité d’entre eux l’enjeu est aussi électoral. Ils ne veulent en aucune façon être entrainés dans un boycott du scrutin encore moins dans une voie de garage.
Un bilan catastrophique
En découdre avec le mode de gouvernance actuel les incite à aller dans les urnes pour y exprimer le rejet total d’un système qui, sur de nombreux points a dégradé la note du Sénégal. La Casamance s’enlise dans une guerre meurtrière. Le monde rural est en proie à une insécurité alimentaire.
Le système scolaire est paralysé et les élèves et étudiants vivent dans la hantise d’une année blanche. La corruption a gangrené le corps social affichant de manière outrageuse et outrancière des richesses sans cause.
Alors que le Sénégal est loué pour sa laïcité, Abdoulaye Wade oppose ses compatriotes entre eux, trouvant le moyen de jeter l’opprobre sur les croyances religieuses d’une partie de la communauté nationale, magnifiant une confrérie au détriment des autres.
Elu au suffrage universel, il affirme devoir son élection à une communauté et par conséquent lui être redevable et lui devoir une discrimination positive. Voilà un président qui fabrique de la conflictualité. La paix à la bouche, toute sa démarche est trempée dans le «fitna» (guerre civile), comme s’il voulait morceler le Sénégal.
Et pourtant, interpellé sur son entêtement à vouloir se présenter, Wade a indiqué vouloir terminer «beaucoup de choses en chantier. Le nouvel aéroport, des projets de route, de chemins de fer». Comme s’il ne comprenait pas que l’histoire s’inscrit dans une continuité dont est comptable la finitude humaine.
Oubliant que la démocratie est un formidable élan qui, tout en s’appuyant sur des fondamentaux intangibles, s’élabore et se construit par et avec des hommes et des femmes frappés du sceau de l’incomplétude.
Elle s’inscrit par conséquent, dans un tâtonnement fait de recherche perpétuelle d’une perfection qui ne sera jamais atteinte. En somme la démocratie est un système politique fragile car elle nécessite de tous les acteurs une conviction démocratique forte.
Il n’y a pas de démocratie sans démocrates convaincus. Et c’est là où le bât blesse. Tout au long de ses longues années d’opposition, Wade a lutté, arcbouté à une seule conviction qui tournait à l’obsession: le pouvoir.
Instaurer une dynastie
Installé sur le fauteuil présidentiel à 74 ans, après 26 ans de combats, il ne rêve que d’une chose, le céder à son fils à l’instar des bijoux de famille. Il donne le sentiment de vouloir défier la vie, ce qui se traduit d’ailleurs par cette irrépressible volonté de dévolution dynastique du pouvoir. Quitte à raconter des contrevérités sur l’ancien président Bush qui aurait imposé son fils à l’Amérique.
Inconnu aux bataillons des premiers de la classe et de l’action syndicale, voilà Karim intronisé par son père comme un des Sénégalais les plus brillants. Il se targue ainsi de lui avoir confié plusieurs dossiers qu’il a réussi tout seul, là où plusieurs ministres ont échoué.
A l’entendre on ne peut que penser qu’il n’en a rien à fichtre du Sénégal, des Sénégalaises et des Sénégalais. Comme s’il leur en voulait de l’avoir porté au pouvoir à l’âge où Senghor le quittait. On dirait qu’il veut leur faire payer ce crime de lèse-majesté.Qui avait dit que Wade pense en démocrate et agit en monarque ?
Vieux Savané (La Gazette)
© SlateAfrique
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