mercredi 28 mars 2012

COUP DE FIL DE WADE A MACKY: Les généraux ont-ils, neutralisé un putsch ?

(Sud Quotidien 28/03/2012)

Le Général de Corps d’Armée, le Général Abdoulaye Fall, chef d’état-major général des Forces armées et son collège le Général de Division, Haut commandant de la Gendarmerie nationale, Directeur de la Justice militaire, le Général Abdoulaye Fall ont-ils tué dans l’œuf les velléités libérales de confiscation du pouvoir? En obligeant le chef de l’Etat sortant, à reconnaître dès le dimanche 25 mars en début de soirée, sa défaite, ils ont aidé grandement à mettre fin à un suspense gros d’incertitude.Par ailleurs, en animal politique blessé dans son amour propre, son orgueil et sa fierté narcissique, le désormais ancien président prépare déjà le troisième tour qui se jouerait dans sa tête dès maintenant.
Le président sortant, Abdoulaye Wade a reconnu dimanche 25 mars aux environs de 21heures, sa défaite en appelant son challenger, Macky Sall candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar. Ce faisant il a refait un geste inscrit désormais dans la tradition républicaine. A la suite de Abdou Diouf, battu en 2000, il s’est incliné devant son tombeur du dimanche. Du moins en apparence, une apparence que l’on cherche à imposer à la mémoire collective nationale depuis. La vérité semble tout autre.
En fait, il semblerait plutôt que des éléments des Forces alliées (Fal2012) avaient nourri la secrète ambition de forcer le destin le 25 mars dernier. On leur a prêté en tout cas l’intention, de créer le même jour, un chaos dans le dessein de fournir aux autorités l’alibi d’un état d’urgence à Dakar d’abord et sur le reste du pays, si la situation empirait. Un état d’urgence qui comme en 1988, aurait suspendu la démocratie et mis sous coupe militaire, avec la restriction des libertés, l’’encadrement stricte de celle d’expression, notamment la diffusion par l’écrit, l’image et la parole avec une censure d’Etat. Avec le concours des forces de l’ordre, les principaux candidats et dirigeants de l’opposition et/ou leaders d’opinion mal pensant seraient mis aux arrêts et l’on se donnerait ainsi les moyens d’une négociation pour un gouvernement de majorité présidentielle élargie, voire d’union nationale que des partenaires au développement mis devant le fait accompli, avaliseraient même la mort dans l’âme. Et le tour était joué.
En invitant en effet, les militants à jubiler et à manifester notamment devant la permanence du Parti démocratique sénégalais (Pds) sur la VDN et ailleurs, alors que tous les résultats égrenés par les radios les donnaient perdants, les Fal 2012, cherchaient assurément à créer des troubles de nature à pouvoir décréter l’état d’urgence, confient des sources généralement bien informées.
Des velléités qui ont été vite décryptées par la haute hiérarchie militaire et de la Gendarmerie, d’autant plus facilement qu’elle avait été, entre les deux tours, « consultée » au plus haut niveau pour connaître de sa réaction en cas de troubles de l’ordre public si d’aventure, Macky Sall perdait l’élection et que la rue s’embrasait et/ou si le pouvoir en place forçait un peu le destin s’il perdait avec un écart minimum. Les officiers généraux auraient répondu à la hiérarchie civile consultante, qu’ils n’étaient pas compétents au premier chef du maintien d’ordre, leurs troupes venant en deuxième et troisième position en la matière après la police première force à ce niveau et qu’en suite, la situation en Casamance sollicitait plus leur préoccupation qu’un maintien de l’ordre tendant à pérenniser un pouvoir décrié. Le tout dit avec la courtoisie et l’élégance nécessaires. Poliment, mais fermement. Ils étaient d’autant plus fondés à le dire à leurs chefs civils qu’ils les avaient avertis au sortir des élections locales de 2009 sur le désamour des populations et l’impopularité du fils, rapportés par leurs services de renseignement. Les officiers généraux avaient en effet, sollicité à l’occasion d’une réunion de sécurité après la débâcle de mars 2009 de parler en privé avec leur commandant en chef, le président de la République pour l’informer de vive voix et l’inviter à tirer les conséquences politiques qu’une telle situation exigeait.
C’est ainsi qu’avisés de certaines velléités le dimanche dernier, les deux Abdoulaye Fall, le chef d’état-major général des Armées et le Haut commandant de la gendarmerie se sont précipités au palais de la République. Leur audience avec le président Wade n’est assurément pas étrangère comme nous l’écrivions dans notre édition du lundi 26 dernier à la promptitude du candidat Wade à reconnaître sa défaite. La rapidité de son coup de fil à Macky Sall tient davantage de la démarche de deux chefs des Armées qu’à autre chose ainsi que l’on tente de l’accréditer depuis.
Une caution recherchée auprès des Khalifes généraux ?
Forts des informations à bonnes sources, tirées des Services de renseignements qui dès 18h30, ce dimanche avaient alerté sur le revers cuisant du président sortant en indiquant que 62% de l’électorat, sur la base des bureaux tests compilés, venaient de sanctionner sa gouvernance et sa quête d’un troisième mandat, nos deux généraux lui avaient fermement demandé de se rendre à l’évidence pour épargner au pays des soubresauts préjudiciables à sa stabilité. Les deux officiers généraux que des membres de l’entourage du président dont un ministre d’Etat, ont cherché à torpiller l’audience, ont été encouragés par les partenaires au développement à briefer Abdoulaye Wade et l’amener ainsi à mettre fin à un suspense gros d’incertitude. D’autant plus que ces derniers, notamment la France et les Usa qui avaient pesé de tout leur poids au premier tour pour que les Fal 2012 n’exécutent l’holdup projeté avec la publication de leurs propres résultats,-il faut dire que Farba Senghor, le chargé de la propagande du Pds et Serigne Mbacké Ndiaye ont tous les deux, diffusé le dimanche 26 février des résultats fantaisistes qui donnaient leur candidat gagnant dès le premier tour,- se sont voulus plus discrets et se sont rabattu conséquemment sur nos deux généraux, apprend-on de sources dignes de foi pour dire aux Wade leur fait. Et les Wade de s’incliner devant les chefs des Armées et de saluer Macky Sall.
Par ailleurs, Wade père cherche-t-il à absoudre Wade fils en cherchant onction auprès des chefs religieux qu’il visite depuis lundi dernier. A Tivaouane hier, mardi 27 mars, le désormais ancien président de la République a affirmé que son fils Karim n’avait géré aucun sou de l’Etat depuis qu’il est aux affaires. On peut bien se demander par quelle alchimie ? Il nous revient de sources généralement bien informées, qu’on était en train de faire disparaître depuis dimanche des dossiers au palais pour effacer toutes traces.
Toujours est-il que le président Wade qui ne fait que revenir à la charge absout sa famille pourtant installée au cœur des affaires de la République depuis 2000. C’est ainsi que le fils devenu ministre d’Etat à particules, tant les départements rassemblés en un sont nombreux, s’est occupé auparavant de l’organisation de la Conférence islamique au Sénégal en étant à la tête de l’Anoci avec son « jumeau » Abdoulaye Baldé l’encore ministre des Mines, maire de Ziguinchor, directeur exécutif à l’époque de l’Agence. Etait-il le seul qui signait et par conséquent le seul à devoir rendre compte aujourd’hui? Il en est de même certainement pour le Fesman. Là également, est-ce seul Abdoul Aziz Sow le délégué général qui signait en lieu et place de la fille conseillère, Sindiély ?
Opération de blanchiment
Le nouveau président, Macky Sall est attendu sur tous ces dossiers. Il se rapporte que des négociations sont entreprises sur toutes ces questions et sur d’autres dans le souci « d’amnistier » le chef de l’Etat sortant et sa famille. Toute tentative de connivence à ce niveau, sera assurément considérée comme un casus belli par le peuple. Les comptes de la Nation ainsi que les deniers publics ne sauraient souffrir d’un quelconque deal préjudiciable à leur tenue. Tout comme les électeurs de dimanche dernier ne sauraient inscrire à perte et profit, les crimes économiques de ces dix dernières années. Ils demandent éclaircissement et justice sur les bradages de la Sonacos, de Transrail, des Ics, du Port autonome de Dakar et de bien d’autres affaires louches qui ont mis à genoux l’économie nationale et vendangé les joyaux de la République.
L’évocation urbi et orbi en outre du président sortant des élections législatives et la tentative d’innocenter son fils à Tivaouane à la suite de sa visite la veille à Touba ainsi que sa décision de rester au Sénégal ne sont pas gratuites. D’autant plus qu’il semble signifier ainsi à Macky Sall qu’il sera là pour lui mettre des bâtons dans les roues en se servant des immenses ressources dont il disposerait et en s’appuyant sur l’appareil du Pds et des débris des Fal dans le but de faire exploser la coalition hétéroclite Benno Bokk Yakaar. La menace suspendue sur la tête de Macky Sall par le vieux redevenu opposant, rôle dans lequel il excelle, apparait ainsi comme l’arme fatale pour neutraliser toute tentative contre lui et les siens de la part du nouveau pouvoir. Le premier test à ce sujet se fera autour de la question du report éventuel des élections législatives inscrit à l’ordre du jour à la foi par le délai trop court pour le dépôt des listes (le 7 avril), par la loi sur la parité inapplicable et les réformes constitutionnelle (au singulier) et institutionnelles indispensables pour la gouvernabilité et la gouvernance post-Wade. Les généraux ont-ils eux, neutralisé des velléités de putsch ?

par Madior FALL

© Copyright Sud Quotidien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire