(L'Observateur Paalga 01/03/2012)
Il était pathétique, le président sénégalais, à la télévision, il y a juste quelques jours, peinant visiblement dans ses tentatives désespérées visant à mobiliser ses troupes pour un second tour d’une présidentielle que le PDS jugeait gagnée d’avance et sans coup férir. Car, à présent, tout indique que le second tour de la présidentielle sénégalaise est à tout le moins inévitable. Et le problème pour Wade et son PDS, c’est qu’il s’agit là, d’un second round synonyme de K.-O. promis. Pour le dire tout net, à moins d’un cataclysme des plus inattendus, il se profile une bérézina des plus sévères pour le camp présidentiel sénégalais ; le retentissement en sera d’autant plus douloureux que personne d’entre Wade et ses amis ne pouvait même imaginer pareille catastrophe leur tomber sur la tête.
Gorgui, d’ailleurs, le sait très bien, qui ne donne plus de lui l’image du Maître Wade étincelant, sémillant et volontiers gouailleur qui lui seyait à merveille il y a juste quelques temps, lorsqu’il affirmait sans ambages qu’il ne rencontrerait pas d’opposition digne de ce nom à la présidentielle que tous cependant attendaient.
Cruelle, terrible désillusion pour le président sortant tout de même ! Car après tout, et il faut savoir lui rendre justice, il aura fait énormément pour les populations sénégalaises qui l’ont porté au palais en mars 2000. Mais à qui en revient la faute ? Principalement au manque de sagesse de Gorgui dont on a régulièrement pensé qu’à plus de 85 piges bien sonnées il était temps pour lui de songer à écrire ses mémoires de grand-père plutôt que de défier pronostics et statistiques pour briguer un troisième mandat, au motif que dans la famille on vit centenaire. Le malheur qui risque de le frapper provient quelque part de ce déficit de claire vision doublé d’un entêtement hors du commun.
Imaginons un instant que Gorgui doive quitter le palais présidentiel sous les huées ainsi que les railleries de ses adversaires politiques ; la chose n’est pas inimaginable : le président sortant a voté au premier tour sous les quolibets d’une foule hostile ! Et pourtant ! On se rappelle l’enthousiasme qui l’a porté au pouvoir en mars 2000 ; on se souvient de la déferlante du Sopi qui renversa tout sur son passage et l’accompagna jusqu’à la montée des marches du palais. L’homme aurait pu passer de l’autre côté de l’Histoire par la porte honorable, à l’instar de l’icône Mandela.
Mais Gorgui, entretemps, oublia qu’il est un temps pour tout ; et bien volontiers, il refusa de considérer que tout se quitte un jour, même le pouvoir ; à présent, les Sénégalais, s’ils ne l’ont pas carrément poussé à la sortie, à tout le moins, auront choisi de lui en indiquer la direction. Triste fin pour un homme qui aura été un fin politique, aura réalisé en une bonne douzaine d’années, tant et tant pour son pays, mais qui, malheureusement, aura commis, sur la fin, au très mauvais moment, la faute qu’il ne fallait pas se permettre : le péché de la volonté de fossilisation au pouvoir.
A tel point qu’il conforte ceux qui ont toujours manifesté plus que de la suspicion pour ces hommes généreusement gratifiés de l’appellation d’origine contrôlée d’«opposants historiques». Sur le continent africain, la liste en est longue et comporte des noms aussi prestigieux que Laurent Gbagbo, Nicéphore Soglo, Pascal Lissouba ; sans compter l’un ou l’autre en ce moment au pouvoir ; tous ont en commun la caractéristique qu’ils réussirent la prouesse de transformer la ferveur populaire qui les porta au pouvoir en grogne profonde réclamant leur départ à cor et à cris et ce, juste quelques années plus tard.
Pour n’avoir pas su entendre et capitaliser les vraies aspirations de leurs peuples, ces opposants historiques, sur le terrain de la gouvernance au quotidien, auront creusé la tombe de leurs propres ambitions politiques ; et alors il quittent le pouvoir, régulièrement chassés comme des malpropres par des populations excédées qui vont même jusqu’à oublier le bien qu’ils auront réalisé le temps de leur exercice à la tête des Etats.
Il faut alors le reconnaître, le continent noir, en matière de gouvernance, peine toujours à trouver ses marques ; entre les vieux dinosaures, qui affichent une ambition rarement égalée de se fossiliser au pouvoir, et les opposants historiques, qui luttent une vie durant pour après, en peu de temps, gaspiller tout le capital de confiance généreusement placé en eux par des masses polaires déconfites et désespérées, on a comme l’impression qu’il faut opérer un choix entre la peste et le choléra ; une désespérante solution, puisque, des deux côtés, le mal est toujours infini ; l’aboutissement des deux chemins conduit à l’Histoire, mais forcément à reculons.
Jean Claude Kongo
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