mardi 13 mars 2012

DE LA CA 2000 AUX FAL 2012: Le jeu des alliances autour de Wade

(Sud Quotidien 13/03/2012) 
De la Coalition alternance 2000 (Ca 2000) à celles des Forces alliées 2012 (Fal 2012) la candidature du président Abdoulaye Wade aura été portée par quatre coalitions durant les trois présidentielles organisée au Sénégal depuis l'avènement de l'alternance en 2000.

Seulement, les mêmes forces qui l'avaient aidé à déboulonner le pouvoir socialiste qui en était à sa quarantième année de règne sans partage risquent de devenir ses «bourreaux» au soir du 25 mars prochain. Sous la bannière du Rassemblement des forces du changement ''Bennoo Bokk Yakaar'' qui porte désormais la candidature de Macky Sall, ces forces entendent mettre fin à son pouvoir de douze ans déjà.
«Il faut le (ndlr-Abdoulaye Wade) réveiller, dites lui que c’est le Président de la République qui veut lui parler. C’est très important!» Quelques heures plus tard, il revient à la charge : «Je vous félicite Abdoulaye, vous avez gagné l’élection présidentielle!» C’est le président Abdou Diouf qui reconnaissait ainsi sa défaite à l’issue du second tour de la présidentielle de 2000 face à Abdoulaye Wade candidat du Front pour l’alternance (Fal). L’issue du scrutin du 25 mars prochain nous édifiera.
En effet, le président Abdoulaye Wade qui avait remporté le 19 mars 2000 la première élection présidentielle à deux tours de l’histoire du Sénégal indépendant avec 58,49% des suffrages devant Abdou Diouf crédité de 41,51%, semble rattraper par le même scénario 12 ans après. Le candidat des Forces alliées 2012 (Fal 2012), une coalition d’environ 80 parti politiques et mouvements de soutien qui, portent sa candidature sera «seul» contre tous les candidats malheureux du scrutin du 26 février 2012 dernier le 25 mars prochain, en ce sens que ces derniers soutiennent son rival Macky Sall.
Même si le président sortant garde à peu près les mêmes alliés que ceux de 2007 renforcés par d’autres soutiens, il aura été affaibli par des départs de taille dont celui de son ancien Premier ministre, président de l’Assemblée nationale et directeur de campagne Macky Sall qu’il est aujourd’hui obligé d’affronter au second tour. Ce dernier qui est à sa première participation à une élection présidentielle et qui a récolté 26,57% des suffrages va faire face à Abdoulaye Wade crédité de 34,82%.
Un score qui ne reflète pas les «deux millions cinq cent mille personnes rassemblées sur la voie de dégagement Nord (Vdn)» le 23 juillet dernier ou même le meeting de Mbacké qui aurait mobilisé plus d’un millions de «militants acquis à la cause du président Wade». Ce qui fait que si le report de voix est effectif, comme c’était le cas en 2000, Macky Sall investi par la nouvelle coalition Rassemblement des forces du changement «Bennoo Bokk Yakaar» est parti pour remporter le second tour haut la main avec environ 65%. C’est aux électeurs de décider.
Les faiseurs de roi d’hier vont-ils déposer le roi ?
Mais en attendant, retour sur les trois autres coalitions de partis et mouvements qui ont porté les candidatures de Abdoulaye Wade aux trois présidentielles qu’à connu le Sénégal depuis 2000, en plus des Fal 2012. Pour venir à bout de Abdou Diouf candidat du Parti socialiste (Ps) en 2000, le candidat Abdoulaye Wade était soutenu par la Coalition "Alternance 2000" (Ca 2000) formée par le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Abdoulaye Wade plus une dizaine d’autres partis politiques de l’opposition d’alors, dont quatre étiquetés de gauche. Il s’agit du Parti de l'indépendance et du travail (Pit) de Amath Dansokho, de la Ligue démocratique/Mouvement du parti du travail (Ld/Mpt - actuel Ld) du professeur Abdoulaye Bathily et de And-Jef/Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle (Aj/Mrnd) dirigé par landing Savané et le Mouvement socialiste unifié (Msu) de feu Mamadou Dia.
Les autres membres de la Ca 2000 sont l'Action pour le développement national (Adn) de Moustapha Diop, de l'Udf/Mbolomi de Mame Ongué Ndiyae (un parti centriste), l'Ups et le Rpjs du professeur Eli Madjodjo Fall. Les partis de gauche justifient leurs soutient au candidat Abdoulaye Wade, le «libéral», par le fait que ce dernier recrute avant tout son électorat dans le «petit peuple. Son électorat, ce sont les gens pour qui nous nous battons», expliquait alors Amath Dansokho.
Abdoulaye Wade se présentait ainsi pour la cinquième fois consécutive à l'élection présidentielle du 27 février 2000, avec comme directeur de campagne Idrissa Seck, en même temps que six autres candidats contre le président sortant. Le candidat du Parti socialiste était déjà très affaibli par deux dissidences de taille à savoir celles de Djibo Leïty Kâ et de Moustapha Niasse.
A l’issue du premier tour du scrutin, Abdou Diouf est contraint au second tour. Les résultats officiels créditent Abdou Diouf (Ps) de 41,30% (690917 voix) suivi de Abdoulaye Wade (Ca 2000) 31,01% (518740 voix), de Moustapha Niasse (Code 2000) 16,77% (280538) ; Djibo Leïty Kâ (Urd) 7,08% (118484), de Iba Der Thiam (Cdp-Garab-gi) : 1,21% (20164), de Ousseynou Fall (Prs) 1,11% (18604), de Cheikh Abdoulaye Dièye (Fsd/Bj) 0,97% (16211) et Mademba Sock (Frap) 0,56% (9326). Au total sur les 2 725 987 électeurs inscrits seuls 1 696 384 ont voté avec 23400 bulletins nuls.
Remake du second tour Diouf
Wade de 2000, 12 ans après ?
Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité absolue au premier tour, le Conseil constitutionnel a annoncé l’organisation d’un second tour, qui s’est tenu le 19 mars, pour départager Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, arrivés respectivement premier et deuxième. Et bonjour les alliances. A l’exception de Djibo Leyti Ka, de l’Urd, dont l’appel à voter Abdou Diouf n’était pas suivi par ses militants et dont le parti a implosé avec la défection de certains ténors comme Mahmoud Saleh, Samba Diouldé Thiam…, tous les candidats malheureux ont rallié Me Abdoulaye Wade contre le candidat du Ps.
Cette nouvelle alliance dénommée Front pour l’alternance (Fal), une coalition de partis politiques, de candidats malheureux à la présidentielle mis en place le 7 mars 2000 pour soutenir le candidat de la Ca 2000 va mettre fin au long règne de 40 ans du Ps. Avec ce soutien du Fal, Abdoulaye Wade, s’est fait élire sans aucune contestation avec 58,49% (969 332 voix) contre 41,51% (687 969 voix) pour Abdou Diouf, qui a gouverné le Sénégal pendant 20 ans, en plus des 20 ans de règne du président Léopold Sédar Senghor. Il y avait 2 745 239 inscrits parmi lesquels 1 667 775 votants dont 10 474 bulletins nuls et 1 757 301 suffrages valables.
Wade et ses alliés se sont alors donné un délai d'un an, pour entreprendre «les réformes nécessaires», dans le cadre d'un programme économique et social de transition avec Moustapha Niasse comme Premier ministre. Seulement, après l’adoption de la Constitution de 2001 consacrant la limitation du nombre de mandats à deux et la dissolution des institutions comme l'Assemblée nationale, le Sénat et l'organisation de nouvelles élections législatives, etc. ce compagnonnage aura fait long feu. Depuis lors, les alliés d’hier qui l’ont porté au pouvoir sont devenus d’éternels opposants à son régime.
Wade en passe d’être déboulonné par son directeur de campagne de 2007
Cette situation va perdurer jusqu’à l’élection présidentielle du 25 février 2007 organisée dans un contexte de forte recomposition politique marquée surtout par le ralliement de responsables du camp défait en 2000 comme Djibo Kâ vers la coalition victorieuse de 2000. Abdoulaye Wade, le président sortant se présentera sous la bannière de la Coalition Sopi en 2007 face à 14 autres candidats. Par contre des acteurs de l’alternance survenue le 19 mars 2000 à savoir Idrissa Seck, Moustapha Niasse et Abdoulaye Bathily dans l’opposition se présenteront contre lui.
Abdoulaye Wade, qui avait pour directeur de campagne Macky sall, sortira vainqueur de ce scrutin dès le premier avec 55,90% des suffrages (soit 1 914 403 voix) suivi loin derrière de Idrissa Seck 14,92%, (510 922 voix), de Ousmane Tanor Dieng 13,56% (464287 voix) et de Moustapha Niasse 5,93% (203 129 voix). Abdoulaye Bathily viendra après Robert Sagna (2,58% - 88 446) avec 2,21% soit 75 797 voix, etc. Ce qui fait que contrairement à la présidentielle de 2000, celle de 2007 a été contesté. Abdoulaye Bathily de la coalition Jubbanti Senegaal et Ousmane Tanor Dieng du Ps avaient déposé des requêtes pour «irrégularités multiples», mais ils seront déboutés le 10 mars par le Conseil constitutionnel.
Abdoulaye Wade est le seul à avoir affronté Léopold Sédar Senghor dans une élection présidentielle en 1978 au cours de laquelle il a obtenu 17,32% des voix. En 1983, il en obtient 14,73%. Il a progressé à 25% en 1988 et 32,5% en 1993 avant d’accéder à la magistrature suprême en 2000.

par Ibrahima DIALLO

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