mercredi 28 mars 2012

Editorial : Le Sénégal, fierté démocratique de l’Afrique

(Le Temps.ch 28/03/2012)

On redoutait le pire, mais la transition présidentielle se déroule finalement à la perfection et dans le calme: le Sénégal prouve que la démocratie a tissé des racines désormais profondes dans son sol aride. Le contraste est saisissant avec le Mali, où un coup d’Etat a chassé le président en exerciceL’alternance démocratique n’est pas une chimère en Afrique, le Sénégal vient une fois de plus de le prouver de manière éclatante: un deuxième tour pacifique s’est soldé par la victoire de l’opposant Macky Sall sur le sortant Abdoulaye Wade lors de l’élection présidentielle. Face à un score sans appel, le candidat malheureux a pris son téléphone, dimanche soir déjà, pour féliciter son adversaire, reconnaissant ainsi sa défaite. Un scénario sans accroc, source de fierté pour les Sénégalais, et qui a valu lundi un concert de louanges internationales à ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Abdoulaye Wade sort de scène sans crise ni effusion de sang, comme l’avait fait le socialiste Abdou Diouf il y a douze ans, à son profit. Une succession pacifique de plus, qui confirme que le Sénégal s’est installé dans la démocratie. Le constat est d’au­tant plus réjouissant qu’il s’inscrit dans une région où l’instabilité persiste, comme l’illustre la crise qui agite le Mali voisin. L’irréprochable élection de Macky Sall offre ainsi un contraste saisissant avec le coup d’Etat mené par les militaires à Bamako mercredi dernier.
Il y a quelques semaines, pourtant, personne n’aurait misé sur une issue sereine au Sénégal. Avant le premier tour, des affrontements ont causé la mort d’une dizaine de personnes et fait des centaines de blessés. En cause, la colère des opposants et d’une partie de la société civile face à l’obstination d’un Abdoulaye Wade vieillissant à se représenter en prenant des libertés avec la Constitution.
La force des Sénégalais est qu’ils sont toujours parvenus à se mobiliser à des périodes cruciales, afin d’enrayer la dérive autocratique du président. Quand Abdoulaye Wade a tenté de supprimer le deuxième tour de la présidentielle en juin 2011, ils sont allés clamer leur indignation dans la rue, le forçant à reculer.
L’alternance au sommet de l’Etat sénégalais doit aussi beaucoup à l’habileté de Macky Sall. En campagne depuis 2008, le candidat a visité des milliers de villages, ce qui lui a permis de faire la différence parmi les 13 aspirants alignés au premier tour par une opposition incapable de soutenir une candidature unique. Au second tour, il a réussi à fédérer autour de lui les voix de cette opposition morcelée. Autre élément décisif, Abdoulaye Wade s’est montré beau joueur, en cédant son fauteuil en dépit de l’énergie folle qu’il avait employée à s’y accrocher. Est-ce par lassitude, par respect pour le verdict des urnes, ou par crainte de sanctions internationales? Lui seul détient la réponse. Reste l’essentiel: le Sénégal a prouvé qu’il avait atteint sa pleine maturité démocratique.

Sandra Moro

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