jeudi 1 mars 2012

Inondations, pauvreté galopante, échec du plan Jaaxay, chômage des jeunes,…: Wade se perd en banlieue

(Le Quotidien (Sn) 01/03/2012)

Il était une fois, Abdoulaye Wade, maître de la banlieue de Dakar ! Depuis dimanche dernier, l’homme a perdu le soutien de ces quartiers populeux de Dakar, toujours acquis à sa cause. Mais la descente aux enfers a commencé à la veille des élections locales de mars 2009, qui ont par la suite, occasionné la perte des mairies de la banlieue par le régime de Wade. Sauf que depuis, sa Cour lui a fait toujours croire que ce sont des militants libéraux mécontents des investitures, qui l’ont sanctionné. La vérité des urnes indique que le mal est plus profond que cela.
C’est historique et assez symptomatique d’un spleen qui a fini de ga­gner les banlieusards en 12 ans de gouvernance libérale. Pour la première fois depuis 1988, le candidat des Fal2012, contraint au 2e tour, à l’issue d’un scrutin présidentiel, se ra­masse à Pikine, Guédiawaye, Parcel­les Assainies, Thiaroye, Keur Massar ou encore Yeumbeul, jadis bastion li­bé­ral, durant le magistère des So­cialistes. Mais que d’indices d’une per­te de popularité, ces dernières an­nées, malheureusement esquivés par le Pape du Sopi, aveuglé par des discours de flagorneurs en parfait dé­phasage avec la réalité sur le terrain.
Dans le rétroviseur, apparaît un certain mardi 17 mars 2008, un peu avant 18 heures, Abdoulaye Wade, candidat à un troisième mandat avait assisté, pour la première fois en banlieue, à un suprême désaveu. On pouvait résumer cette folle journée ainsi : Abdoulaye Wade échappe au lynchage ! Des jeunes ayant attaqué sa voiture pour l’y extirper avec une violence indescriptible, malgré ses gardes du corps, qui ceinturaient son cortège.
Ce jour là, de retour d’un voyage très mouvementé et très coloré en rouge à l’intérieur du pays, Me Abdoulaye Wade avait en face, une rébellion populaire, sans exagération aucune. Alors qu’il était de passage dans la banlieue dakaroise, il a vu du rouge tout le long de son trajet. De Malika, Yeumbeul, Boune, Thiaroye, Guinaw rails, Pikine, en passant par Yarakh, le Secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds) avait pu constater la colère qui habite ces populations, laissées pour compte. Ce sont des banlieusards très remontés qui avaient jalonné les routes de drapelets rouges ainsi que de tout objet de cette couleur.
Dès son entrée à Yeumbeul, c’était un concert de huées qui l’avait accueilli. La route principale de la commune étant très exiguë pour contenir toutes ces foules déchaînées, les hommes préposés à la sécurité du Président, avaient eu toutes les peines du monde, pour baliser le chemin au cortège de Wade, accompagné du maire libéral de Pikine, déchu par la suite, par ses administrés. Même les éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi) qui jalonnaient la route de Yeumbeul étaient impuissants et amorphes devant les jeunes qui s’approchaient du véhicule de Wade. Ce dernier était habilement assis sur son siège à côté du maire Daour Niang Ndiaye, mais tous deux avaient le visage renfrogné et étaient manifestement dépassés par le cours des évènements. A un moment, alors que sa sécurité était réellement menacée, Me Wade sortit même sa tête et son buste du véhicule pour mesurer, sans doute, le degré de frustration des populations. Mal lui en avait pris, puisqu’il avait manqué de peu à une agression physique !
C’était en toute vitesse que le cortège avait réussi à se frayer un chemin, avec l’appui des Forces de l’ordre. N’empêche, les jeunes avaient poursuivi le cortège avec des huées, laissant les femmes brandir leurs drapelets, foulards et pagnes rouges, tout le long des crasseuses routes de la banlieue.
JOURNEE CAUCHEMARDESQUE
Cette étape marquait le début d’un long et douloureux passage dans cette partie de Dakar. En effet, c’est au niveau de Thiaroye que les choses avaient failli tourner au vinaigre quand des jeunes ont brandi des pancartes hostiles au chef de file des Libéraux. L’un d’entre eux, avait tenu à suivre le cortège dans une course effrénée, et à travers la vitre du véhicule Présidentiel, il voulait faire passer son message. Lequel disait : «Wade dégage, le peuple ne te veut plus.» Comme quoi, ce slogan actuel du M23 a trouvé ses racines en banlieue depuis trois ans maintenant, tellement le mal vivre est réel dans ces zones, pourtant un grenier électoral incommensurable.
Les compagnons du jeune homme à la pancarte, arrêté et embarqué par la Police, avaient par la suite, usé de pierres et autres objets pour caillasser le cortège Présidentiel. Du jamais vu avant ! Des pierres accompagnées d’une pluie de huées qui s’abattaient sur le président de la République, jusqu’à sa sortie de Thiaroye, en direction de la route nationale, zappant ainsi la ville de Pikine où des militants de Daour Niang Ndiaye l’attendaient. Ce dernier avait d’ailleurs subi la furie de Me Wade qui avait immobilisé son véhicule, pour le jeter dehors.
Mais malgré tout et face aux résultats catastrophiques enregistrés par son parti, la semaine qui a suivi son périlleux voyage, aucune leçon n’a été tirée de cet échec manifeste. Wade est resté aveugle et aphone face a la demande sociale qui allait crescendo. Il n’a pas su décrypter ce message de désespoir de milliers de banlieusards, indignés par les inondations devenues banales, la pauvreté grandissante, le chômage chronique des jeunes, la flambée incontrôlée des denrées de première nécessité, le scandale financier du Plan Jaxaay avec son lot de désespoirs et encore et encore…
Ses partisans, pour camoufler leur échec, lui avaient tout simplement fait croire que ce sont des militants libéraux fâchés contre les investitures des Locales. Un discours tiré par les cheveux servi par Iba Der Thiam et Cie et qui a malheureusement convaincu Wade qu’il reste majoritaire en banlieue. Pour Wade et son camp donc, tout est politique : celui qui profère des huées est juste un militant libéral mécontent ou bien un militant de l’opposition jaloux. Ils ont toujours refusé d’avoir une lecture rationnelle et honnête des évènements sur le terrain….politique.
Aujourd’hui, Wade et ses souteneurs démagogues ont juste récolté les mauvaises graines qu’ils ont semées depuis 2000, marquant la première alternance politique au Sénégal. Avec seulement 71 930 voix, loin derrière Macky Sall qui a engrangé 80 556 voix et Moustapha Niasse qui s’est retrouvé avec 72 486, Wade est revenu sur terre. Il a maintenant compris que ni Aminata Lô encore moins Mamadou Seck respectivement ministre de la Solidarité nationale et président de l’Assemblée nationale, qui se donnent souvent en spectacle, histoire de montrer leur popularité, ne représentent qu’eux-mêmes et leurs familles en banlieue.
Cette bronca populaire a poursuivi la famille Wade jusqu’en janvier de cette année électorale. En visite dans la banlieue, Karim Wade a été reçu par des jeunes portant des brassards rouges. Le fils du Président a été aussi copieusement hué au cours de cette matinée du vendredi 6 janvier. Les chauffeurs de Yeumbeul nord, n’ont pas, non plus, été en reste. Cette fois-ci, ces indignés de la banlieue protestaient contre l’état défectueux de leurs routes, qui font partie des caractéristiques de cette ville. Des routes que Karim Wade a juste rafistolées, pour les besoins de son passage dans ces quartiers défavorisés. Quelle provocation !
Pour les banlieusards, la tasse était pleine et il fallait que cette goutte d’eau de trop se traduisent jusque dans les… urnes. Ce qui sonna le glas d’un candidat qu’ils ont toujours adulé et idolâtré.

Écrit par Aly FALL
© Copyright Le Quotidien (Sn)

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