jeudi 1 mars 2012

Macky Sall, par devoir

(Seneweb 01/03/2012)

L’immense joie qui s’est emparée de mes compatriotes à l’annonce des résultats du premier tour de cette présidentielle, on devine que je fais plus que la partager. Depuis plusieurs années, certains au prix de leur vie, nous avons consenti des sacrifices énormes pour voir notre détermination enfin triompher. Nous aurions pu éviter tous ces morts, ces blessés, si l’homme qui nous a imposé cette épreuve ultime avait écouté les appels à la raison qui lui parvenaient de ses compatriotes qu’il traitait en ennemis, de la communauté internationale qu’il accusait d’ingérence. L’issue du premier tour de la présidentielle donne raison à tous ceux qui tentaient de le persuader qu’il n’avait rien à faire dans cette présidentielle.
Le score qu’il a obtenu est en deçà de celui obtenu par Abdou Diouf en 2000, sans doute l’un des plus mauvais scores obtenu par un président en exercice. Abdoulaye Wade réalise un score inférieur à celui qu’avait réalisé Laurent Gbagbo, qui avait obtenu
38,04% de voix avant sa défaite au second tour et sa retraite humiliante. Le rejet est d’autant plus manifeste qu’il dépasse son concurrent direct de moins de dix points, soit moins que les voix d’Ousmane Tanor Dieng. Cela, malgré les milliards distribués à travers le pays et le soutien actif de nombreux chefs religieux.
Un président de la République rejeté par plus de 65% de sa population se doit de partir sans attendre. Et c’est bien l’engagement qu’avait pris Abdoulaye Wade devant les médias, ce qu’il avait exigé du boulanger de Yopougon. Mais ce n’est pas la première fois que cet homme se renie et il mériterait bien d’hériter de ce sobriquet peu glorieux.
C’est la première difficulté à laquelle il va faire face, lui qui veut nouer des alliances : comment rendre sa parole crédible, quand il s’est renié plusieurs fois et a déclaré à plusieurs reprises que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Macky Sall est devenu sa cible, comme l’ont été hier Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Ousmane Tanor Dieng, qu’il veut amadouer pour obtenir leurs faveurs.
Le spectacle auquel il s’est livré devant les représentants de l’Union européenne est indigne d’un chef d’Etat, mais il traduit un mépris envers tous les Sénégalais puisqu’à l’occasion, il n’a pas manqué de redire tout le bien qu’il pense de son propre fils.
C’est pourquoi l’engagement que nous devons prendre pour le faire partir doit être sans calcul et sans retenue.
Quelles que soient les réserves que nous pouvons émettre en ce qui concerne Macky Sall, nous trahirons notre propre cause si nous n’appelons pas à voter pour lui. C’est un impératif que de se débarrasser de ce monstre qui a poussé les lignes jusqu’à susciter des replis confrériques dans ce pays de grande coexistence confessionnelle.
Je connais Macky Sall depuis une vingtaine d’années et je ne le comparerai jamais à Abdoulaye Wade, qui est l’être le plus abominable que j’ai jamais rencontré. Il a sans doute commis des fautes de parcours qui lui sont imputables, Macky Sall, qui peuvent justifier certaines craintes. Mais il est un homme sincère, c’est le moins que je puisse dire de lui.
Il a bien fait de s’engager à faire appliquer les conclusions des Assises nationales, une des raisons pour lesquelles j’avais appelé à voter Niasse. Il a décidé de faire de la Justice sociale et de l’action envers les plus démunis une priorité de son gouvernement et j’ai eu la grande satisfaction de l’entendre de sa bouche.
Maintenant qu’il a inscrit ces deux questions au coeur de sa politique et de ses priorités, alors qu’il nous rassure sur la laïcité, s’engage à ramener le mandat présidentiel à cinq ans et nous garantit qu’il va faire l’audit des finances de l’Etat, nous n’avons plus le droit d’émettre quelque réserve que ce soit avant de le soutenir.
Mais c’est surtout la position de Moustapha Niasse, revenu de l’hécatombe de 2007, qui me satisfait. Je trouve qu’il méritait bien d’être au second tour à la place d’Abdoulaye Wade. Quoiqu’en arrivant avec un si honorable résultat et en si bonne position, il s’impose comme l’arbitre de cette présidentielle et le défenseur des Assises nationales.
Je ne le vois pas soutenir Abdoulaye Wade, le même qu’il était allé voir en avril 2000 pour lui rappeler certains de ses engagements et qui lui avait rétorqué : «Ca fait partie des promesses que j’ai décidé de ne pas tenir.» Aucun candidat sincère ne peut justifier un soutien au président sortant dans ce second tour crucial sans être frappé de contradiction : on ne soutient pas l’illégalité après l’avoir combattue farouchement.
Mais il ne faut pas se contenter de ne pas soutenir Wade, il faut se réjouir de soutenir Macky Sall. Il faut que chacun cesse de faire des calculs liés à son avenir politique personnel, pour que tous s’investissent dans la campagne pour le départ d’Abdoulaye Wade. Chaque candidat doit se donner pour mission de le faire triompher chez lui. Si tous les leaders qui s’étaient investis dans cette présidentielle et tous les chefs de parti membres de Benno s’investissent dans leurs localités pendant ces trois semaines, assurent leur présence dans les bureaux de vote, Abdoulaye Wade n’aura aucune chance de triompher.
Il ne verra personne à son secours et j’espère que mes amis et frères qui avaient commis l’erreur de l’accompagner jusqu’au cimetière ne se laisseront pas entraîner dans la tombe. Je parle des compatriotes de bonne foi comme Amadou Sall, Abdoulaye Baldé, Moustapha Guirassy pour ne citer que ceux-là, qui n’ont rien à faire dans ce Pds travesti depuis longtemps en Génération du concret.
Je l’ai fait savoir à mon ami et frère Aziz Sow, que je peine à voir défendre l’indéfendable, alors que je l’admirais pour sa rigueur morale et sa hauteur de vue. Je pense que ce n’est pas un crime de se réclamer du Pds. Mais ils n’ont plus le droit de soutenir une candidature dont le seul but est de maintenir au pouvoir une bande d’affairistes avec son vieux chef, de promouvoir une dévolution monarchique du pouvoir à la faveur d’un jeune délinquant. L’heure est venue pour qu’ils prennent leurs responsabilités, s’ils ne veulent pas être jugés par leur peuple et condamnés par l’histoire.

SJD

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